Végéphobie

La végéphobie est la phobie du végétarisme. C'est la crainte ou le rejet du végétarisme. La végéphobie peut engendrer du mépris et/ou de la discrimination envers les personnes végétariennes, comme la transphobie pour les personnes transgenres et/ou transsexuelles (ou juste les trans pour faire plus court). Une personne imprégnée de végéphobie est végéphobe, de la même manière que l'homophobie indique l'homophobe.

Des végéphobies

Il peut y avoir des motifs contradictoires à la végéphobie et elle peut donc provenir de personnes ou groupes opposés. On peut en effet distinguer au moins 5 types de végéphobie (il n'y a donc pas une végéphobie, mais des végéphobies) : la végéphobie humaniste et la végéphobie (zoo)végane (qui forment 2 opposés), ainsi que la végéphobie socialiste et la végéphobie écologiste (qui ont une même base et sont tout à fait compatibles), et enfin la végéphobie commerciale (qui peut s'appuyer notamment sur les précédentes).

La végéphobie humaniste

Par "humanisme", il faut là comprendre suprémacisme humain, soit la définition animaliste de l'humanisme. On peut aisément comprendre pourquoi les gens qui y adhérent peuvent être végéphobes : le végétarisme peut être perçu comme remettant en cause la hiérarchie avec l'humain qui devrait être tout en haut. S'opposer au végétarisme c'est alors s'opposer à la potentielle remise en cause du droit de l'humain d'exploiter et tuer des animaux non-humains en l'absence de nécessité. Si la personne n'y a pas réfléchi et a été immergé dans une société où l'humanisme est archi-dominant, cela peut aussi, et même probablement, être un simple réflexe de préservation psychologique, puisque le végétarisme remet alors en cause une croyance profonde qui a une implication concrète, donc son éventuelle démolition est sujet à accabler le sujet de par ce qu'ille a fait en s'appuyant de fait sur cette croyance, en l'occurrence énormément de cruauté envers les animaux non-humains (ou zoonimaux).

La végéphobie humaniste a une acceptation large du végétarisme. Ça inclue notamment entre autres l'ovo-lacto-végétarisme, le lacto-végétarisme et l'ovo-végétarisme, mais aussi le végétalisme et le zoovéganisme. Cette forme de végéphobie comprend donc sans s'y restreindre la véganophobie ou végaphobie.

La végéphobie (zoo)végane

La végéphobie (zoo)végane vient d'une éthique vis-à-vis des animaux non-humains (ou zoonimaux). En effet, le végétarisme inclut l'acceptation du zoolait et des oeufs. Or, vis-à-vis des animaux non-humains, la production de ces produits pour l'humain engendrent à minima l'exploitation et la mort prématurée peut ne pas être loin par productivisme. De plus, le végétarisme ne proscrit rien au-delà de l'alimentation (cuir, fourrure, laine, chasse et pêche pour le pur plaisir récréatif, corrida, zoo, delphinarium, vivisection, etc.), donc il s'accommode tout à fait de cruauté envers les animaux non-humains, même si souvent les personnes végétariennes acceptant le zoolait et/ou les oeufs vont souvent au-delà de l'alimentation (il y a très souvent à minima le refus de la corrida et de la chasse). N'en reste pas moins que refuser la cruauté pour tel produit ou service et pas pour tel autre n'a rien d'éthique.

Il y a en conséquence une végéphobie (zoo)végane qui fait le reproche au végétarisme et à ses pratiquant·e·s non-végan·e·s (à fortiori les personnes qui en sont fières et participent par exemple à une veggie pride) de faire preuve de cruauté envers les animaux non-humains comme l'omnivorisme et les omnivoristes. Il peut également, d'une manière complémentaire, y avoir végéphobie de par le caractère strict du végétarisme, à contrario du véganisme qui a la clause autant que faire se peut et n'implique donc par exemple le végétalisme en toutes circonstances (par exemple si la personne doit faire les poubelles pour se nourrir à sa faim ou au moins s'en rapprocher ou si la personne n'a pas accès à une forme végane de vitamine B12 qui est absorbée comme telle par corps).

Cette forme de végéphobie n'est pas nécessairement anti-espèciste. En effet, le véganisme ne suppose pas l'anti-espècisme. La végéphobie anti-espèciste est donc une sous-forme de végéphobie végane.

Enfin, on peut vouloir avoir un concept pour le rejet du véganisme (véganophobie / végaphobie), un autre pour le rejet de toutes les formes de végétarisme, ainsi qu'un dernier pour le rejet spécifique du végétarisme non-véganiste. On peut donc vouloir réserver "végéphobie" pour le second cas (toutes les formes de végétarisme). Tandis que pour le dernier cas (le végétarisme non-véganiste, si tant est qu'on considère que ça puisse avoir du sens malgré qu'historiquement le véganisme ait été construit contre le végétarisme et non comme une variante), on peut préférer parler de "végétariophobie".

La végéphobie socialiste

De par le refus de la chair ou de la mise à mort des animaux non-humains, le végétarisme peut être critiqué d'un point de vue socialiste. En effet, on peut lui reprocher d'être sous-optimal par rapport aux intérêts égoistes des humains. S'il était effectivement fondé, et ça l'est fort probablement, qu'une certaine dose de cruauté envers les animaux non-humains permet d'économiser du travail, alors le végétarisme est nuisible d'un point de vue anthropo-social. Si le végétarisme est trop fort et est effectivement socialement nuisible au-delà d'un certain seuil du point de vue humain, il peut être reproché aux végétaristes de causer de la labeur inutile par lubbie alimentaire et/ou éthique, pouvant causer de la végéphobie.

Cette critique socialiste est dans l'absolu. À une période donnée sur une zone géographique donnée, le végétarisme d'une partie des humains peut permettre d'être à l'optimum humain ou au moins de s'en rapprocher. La végéphobie socialiste n'est donc pas contre la pratique du végétarisme, elle est contre l'universalisation du végétarisme et en fait plutôt contre un mauvais ratio qui est relatif à l'autre partie de la population et à la composition du végétarisme moyen (c'est-à-dire de sa forme moyenne).

La végéphobie écologiste

Le refus de la chair ou de la mise à mort des animaux non-humains est critiquable écologiquement de par ses conséquences potentielles. En effet, on peut lui reprocher de ne pas utiliser autant que possible les ressources mobilisées et donc d'engendrer un sur-usage de ressources et un surplus de pollution. Cela se fonde, probablement à raison, que la cruauté envers les animaux non-humains peut permettre d'économiser des ressources et la pollution que peut engendrer l'exploitation de celles-ci, du moins si c'est bien dosé. De plus, il peut être craint que le végétarisme favorise des ersatz dont le coût écologique pourrait être supérieur à ce qu'il remplace, notamment dans le cas du remplacement de légumineuses pas ou peu transformées.

Au vue de l'impératif de vivre dans un monde fini et du caractère délétère d'une trop grande pollution, le végétarisme et ses pratiquant·e·s peuvent être pris pour cible au nom de l'écologie et cela peut être particulièrement violent au vue de l'enjeu. Il est tout à fait envisageable que ça puisse être fondé, mais sous certaines conditions. Toutefois, en ce qui concerne au moins le début de 21ème siècle et avant, il est plus probable que la végéphobie à prétention écologiste utilise en fait plus l'écologie comme un prétexte pour défendre en réalité un humanisme très enraciné. En ce cas, il est fort probable que l'usage de l'écologie comme prétexte soit inconscient, c'es-à-dire qu'il soit un tour de l'esprit pour ne pas avoir à potentiellement remettre en cause son humanisme, compris là comme suprémacisme humain.

La végéphobie commerciale

Dans les sociétés non-véganes où la propriété privée est importante, les animaux non-humains sont logiquement des propriétés. En tant que tels, il va de soi qu'ils peuvent être utilisés à souhait. Certes il peut y avoir des mesures contre certains traitements et certaines espèces peuvent avoir des privilèges, mais ce n'est pas le noyau dur. En conséquence, les exploiter à gogo et même les tuer est autorisé et s'interposer est (dans le cas général) une atteinte à la liberté de jouir à sa guise d'un de ses biens.

L'économique ayant une place forte dans les sociétés, des individus et groupes peuvent tenir à la façon dont ils participent à l'économie. Si la société est grandement commerciale et que c'est par le commerce que des individus et groupes ont grandement ou totalement un certain statut, alors qu'ils craignent à une remise en cause de leur activité à finalité commerciale peut les conduire à s'opposer férocément à ce qui semble être dangereux commercialement (et qui n'est en fait pas du tout que commercial).

Le végétarisme et le végétalisme, mais surtout le véganisme, peuvent faire craindre une réduction de la marchandisation des animaux non-humains et donc des activités commerciales associées. L'intérêt économique peut en conséquence conduire à de la végéphobie et elle peut être particulièrement prononcée.

Ce fondement peut être affiché en tant que tel. Cela peut se faire au nom des intérêts économiques de la personne (individuelle ou morale) exploiteuse. Alternativement peut être invoqué l'intérêt général économique et ce d'autant plus que la concurrence est forte. En effet, quitter à un secteur dont était tiré une lucrativité, c'est perdre l'investissement associé, tout en nécessitant un autre investissement afin d'opérer une transition, cela représente donc un coût économique.

Mais intérêt ne signifie pas rationalité dans l'absolu, donc pas forcément discussion sur le fondement réel et à fortiori exclusivement sur lui, tout au contraire. L'intérêt pousse à considérer tous les leviers. Pour l'intérêt commercial, toutes les autres formes de végéphobie peuvent donc être mobilisées. Cette potentielle prise d'appui sur les autres végéphobies n'est pas forcément cynique du point de vue des agents, qui de par leurs conditions matérielles sont enclines à adhérer à de la végéphobie non-commerciale, comme le soutient en philosophie et sociologie l'approche matérialiste.

Critique de la notion

À l'égard des personnes végétariennes et des idées qu'elles portent ou qui leur sont attribuées (à raison ou à tord), il y a des attaques idéelles, des moqueries et autres vexations, ainsi qu'une relative ostracisation sociale. Cependant, contrairement aux animaux non-humains, les végétaristes ne subissent pas une oppression systémique et ont donc pas ou fort peu de souci grave de par leur végétarisme. C'est donc différent (au début du 21ème siècle du moins) de la xénophobie, l'islamophobie, l'homophobie, etc.

En conséquence, il peut être jugé que c'est aller trop loin de parler de végéphobie. Il y a certes discrimination, mais elle n'est pas trop grave pour les personnes qui en sont directement sujets (hors rares exceptions comme des suicides), car il en est bien autrement pour les animaux non-humains (ou plutôt les membres des espèces sciemment exploités et/ou tués par l'humain) qui en sont toutefois là des sujets indirects. La nature des problèmes potentiellement rencontrés par les végétaristes et son aspect systémique faible (au moins dans le contexte du début du 21ème siècle) peuvent conduire à considérer qu'il n'y aurait pas là de quoi parler de phobie, car ça ne serait pas simplement un faible degré de phobie, il n'y aurait pas le fondamemental d'une phobie.

Ce raisonnement amène à un rejet de la végéphobie. De par la mise sur un niveau semblable avec la xénophobie, l'homophobie, l'islamophobie, etc., le fait de parler de végéphobie comme une réalité peut alors être jugé comme relevant de l'indécence. Dans la même veine, peut être rejeté de parler de coming-out végétariste ou véganiste, ainsi qu'être outrageant de faire une manifestation dite veggie pride qui pourrait être alternativement par exemple nommée veggie parade. C'est par exemple ce qui a été défendu par Ophélie Véron sur son blogue Antigone XXI dans son article du 11 octobre 2017 nommé "Ceci n'est pas de la végéphobie".

Critique de la critique

On pourrait rétorquer qu'il est courant par exemple de parler de phobie des araignées (on peut penser au cas de Ron Weasley dans la fiction Harry Potter). et que cela ne semble choquer personne. Or les araignées sont loin de représenter pour les humains une oppression systémique. Cependant, il pourrait être contre-argumenté que c'est là différent : il s'agit d'une peur des araignées qui n'a pas de conséquence pour elles ou à priori très rarement (les gens en ayant peur étant à priori trop intimidés pour leur causer du tord) et pas de conséquence grave pour les personnes humaines effrayées. La comparaison ne serait donc pas valable.

Mais à contrario, on peut penser que ce serait vouloir trop restreindre l'usage de ce terme. Cela rappelle s'il en était besoin qu'il n'y a pas d'essence des mots, ce sont de pures constructions sociales, dont le sens peut varier dans le temps, mais aussi en fonction des personnes et groupes. Il n'est donc pas étonnant qu'il puisse y avoir une lutte pour la légitimité de l'usage d'un mot ou en l'occurrence d'un suffixe.