Michael Huemer et les animaux non-humains
Michael Huemer est un homme blanc né le 27 décembre 1969. Il s'est fait connaitre en tant que philosophe. Il se serait surtout fait connaitre pour avoir défendu l'éthique intuitionniste, le réalisme naïf, le libertarisme et l'anarchisme philosophique (qui semble être une critique idéelle de l'autorité, autrement dit de la branlette intellectuelle sans conséquence, à contrario d'un anarchisme social et de lutte avec la visée de l'advenu d'un autre type de société).
Il considère que ce qui est fait aux animaux non-humains (ou zoonimaux) en son temps (à savoir la seconde moitié du 20ème siècle et première moitié du 21ème siècle) est l'une des pires choses faite par l'humain, si ce n'est la pire. Il ne se positionne pas pour autant pour l'abolition de l'exploitation des zoonimaux par l'humain. En effet, il n'est pas certain que ce soit mal en soi, mais condamne d'une façon certaine la forme industriel. Par ailleurs, il exclue certaines catégories de zoonimaux de ses considérations morales, car les individus de ces catégories ne seraient pas sentients (les bivalves) ou ce serait au mieux sujet à controverse (les insectes), d'où le fait qu'il ne se revendique pas du véganisme (pris dans un sens strict) mais plutôt de l'ostro-véganisme, qui est toutefois insuffisant à contrario du concept d'ento-bivalvo-véganisme. De plus, il semble ne pas avoir abordé certaines problématiques plus difficiles, comme l'expérimentation et les zoonimaux de compagnie. En fait, il semble même s'être prononcé uniquement pour les aliments, donc ne pas avoir condamné publiquement l'exploitation de la force musculaire (transport, retournement de la terre, etc.), le carcéralisme au nom du loisir, le cuir, la fourrure, la laine, les plumes, les cornes, etc.
Actualités
- Le 4 octobre 2016, est publié "Huemer on Ethical Treatment of Animals (Including Bugs)" par Bryan Caplan sur EconLog de Econlib. Le 13 octobre 2016, est publié "Huemer Replies on the Ethical Treatment of Animals" par la même personne au même endroit.
-
En autonome 2018, est publié
le volume 22
de Between the Species.
De la page 20 à la 135 incluse, on retrouve
"Dialogues on Ethical Vegetarianism"
par Michael Huemer.
Cette fausse discussion, puisqu'imaginaire,
mais se voulant néanmoins réaliste,
sera par la suite adaptée en
un livre
qui sera plus tard traduit et publié
en français.
-
En page 51, il lâche (via M.)
que l'élevage et la mise à mort
d'animaux non-humains
ne lui posent pas de problème en soi :
meat could be produced humanely, without all this cruelty. Therefore, in principle, there could be a meat industry that was morally okay, in which case it would be okay to eat the meat it produced.
Son personnage V. ne s'en offusque pas. La motivation de son végétarisme et en conséquence son argumentaire sont donc conjoncturels. -
Dans les pages 107 à 109,
ils discutent notamment
des palourdes,
moules
et coquilles Saint-Jacques
(
clams, mussels, scallops
) et plus généralement des bivalves. Il affirme, à travers son personnage, qu'il n'a pas de problème à les manger. En effet, il part de l'hypothèse que ces êtres ne peuvent pas souffrir, alors qu'il pourrait au contraire être prudent et donc au cas où partir du postulat inverse. Du coup, en étant précis, il ne se réclame pas du véganisme, mais de l'ostro-véganisme (The technical term is “ostroveganism.”
, page 109, note 48), Mais on pourrait préférer dire qu'il pratiquerait, défend et se prononce pour le bivalvéganisme, puisqu'il ne limite pas aux huites (oyster en anglais). -
Dans les pages 109 à 113, il s'exprime sur
les insectes.
-
Il ne s'intéresse pas
aux gestes volontaires et évitables
vis-à-vis directement des insectes.
En effet, il part du constat
qu'éviter de les tuer
(volontairement et involontairement)
s'avère pour le moins compliquer
(
the costs of giving up killing insects are much higher than the costs of giving up meat-eating
, p. 109 ;animal farming requires killing insects
, p. 109-110 ;Virtually all of modern life kills insects. You can't drive a car without killing some; you can barely walk without killing them.
, p. 100) et qu'il n'y a donc pas à se soucier uniquement ou avant tout des actes volontaires vis-à-vis d'eux. -
Il considère qu'il est moins probable
que les insectes ressentent de la douleur
(
it's much less likely that insects feel pain
, p. 109). En page 112 et 113, il s'en explique.-
Ils n'auraient pas ce qu'il faut
pour ressentir la douleur
(
they don't have nociceptors – the kind of nerve cells that sense pain, in other animals
). Mais peut-être que les insectes ressentent la douleur par un ou plusieurs autres moyens. La manière que les humains et d'autres espèces animales ressentent la douleur n'est pas nécessairement la seule. -
Leurs systèmes nerveux
seraient beaucoup plus simples
(
they have drastically simpler central nervous systems, like a million times simpler
). -
Chez les insectes,
nous n'aurions pas détecté
un comportement normal de douleur
(
insects don't show normal pain behavior
), mais lenormal
n'est-il pas juste de l'anthropomorphisme ? De plus, et ça va à priori dans sens si toutefois c'est vrai, les insectes agiraient comme si rien ne se passait ou ne s'était passé quand leurs intérêts corporels sont ou ont été violemment attaqués (An insect with a crushed leg keeps applying the same force to that leg. Insects will keep eating, mating, or whatever they're doing, even when badly injured – even while another creature is eating them.
) et renvoie à ce propos à un article tier via la note 51 (C.H. Eisemann, W.K. Jorgensen, D.J. Merritt, M.J. Rice, B.W. Cribb, P.D. Webb, and M.P. Zalucki, "Do Insects Feel Pain? – A Biological View", Experientia 40 (1984): 164-7).
-
Ils n'auraient pas ce qu'il faut
pour ressentir la douleur
(
-
Il part du postulat qu'il n'y a pas
de l'élevage industriel d'insectes
(
we aren't raising insects in horrible conditions for their whole lives before killing them, as in factory farming
, p. 109). On peut aussi envisager qu'il pense implicitement qu'il n'y aura pas au moins prochainement cela, donc qu'il n'est pas utile de s'interroger là-dessus. Pourtant cela existait déjà, avec par exemple le cas d'Ynsect. Il est donc totalement erroné d'évacuer le sujet avec cet argument.
Let's first agree to give up buying factory-farmed meat. Then we can worry about more controversial cases after that.
, p. 110). Mais par prudence, il pourrait promouvoir de ne pas les exploiter et ne pas les consommer, mais il ne franchira pas le pas. Au moins, il a l'honnêteté de reconnaitre que cela fait qu'il est peut-être inconsciemment espèciste (M: […] If you really fully believed that species membership doesn't matter, then you'd care more about insects. V: So you think I'm an unconscious speciesist? M: That's a good way to put it.
, p. 111). -
Il ne s'intéresse pas
aux gestes volontaires et évitables
vis-à-vis directement des insectes.
En effet, il part du constat
qu'éviter de les tuer
(volontairement et involontairement)
s'avère pour le moins compliquer
(
-
En page 114, il explicite que pour lui
le problème est l'exploitation industrielle
des zoonimaux
et que l'exploitation en elle-même
ne l'est en revanche peut-être pas.
I focus on factory farming because it's the source of nearly all animal products. I figure I should first try to dissuade people from doing the clearly terrible thing that almost everyone is doing every day (buying from factory farms), before worrying about something that a tiny minority of people are doing that's much less bad but might still be unethical (buying from humane farms).
Sa défense du végétarisme est donc particulièrement faible, puisqu'elle s'appuie sur la conjoncture et qu'en plus il est possible d'y échapper (on peut acheter des produits zoonimaux qui n'ont pas été produits industriellement, même si c'est plus dur à trouver et plus cher). Il évoque d'ailleurs le labelCertified Humane
, mais dit être méfiant la page d'après, puisqu'il ne sait pas s'il serait moral de tuer des animaux non-humains pour se nourrir en l'absence de nécessité. Il continue en page 115 avecI'd have to figure out whether it's permissible to kill animals humanely for food. For that, I'd have to figure out whether they have a right to life. And for that, I guess I'd have to first figure out what's the basis for the right to life in general […] but the moral philosophers don't agree.
-
En page 128, il justifie le véganisme
par la volonté du bien-être des animaux non-humains
(ou zoonimaux) :
he possibility that vegans just sincerely care about the welfare of animals
. Mais cela ne fait pas de sens. En effet, le véganisme est un mode de vie cherchant à exclure l'exploitation des animaux. Bien sûr être exploité est au mieux peu susceptible de contribuer au bien-être, mais ne pas être exploité n'est pas pour autant une garantie du bien-être. Le véganisme est en soi une abstinence d'exploitation et non la recherche du bien-être de celleux qui pourraient être exploité·e·s. Pour néanmoins comprendre sa remarque, il faut se situer dans sa matrice de pensée. En effet, il en a avant tout après la forme industrielle d'exploitation et non l'exploitation elle-même. Comme Peter Singer, c'est un bien-êtriste, pas un abolitionniste. - À de nombreuses reprises, il parle exclusivement de la viande. De façon analogue et logique, il parle souvent de végétarisme. Toutefois, il dit défendre le véganisme. Mais dans ce cas, pourquoi parler de végétarisme (qui est communément un synonyme d'ovo-lacto-végétarisme et qui ne porte que sur les aliments) et se concentrer quasiment exclusivement sur l'alimentation et en particulier la viande ? En effet, avec une recherche dans le document PDF, voila ce qu'on obtient : vegetarianism, 21 occurrences ; vegetarian et vegetarians, 18 occurrences ; veganism, 2 occurrences ; vegan et vegans, 15 occurrences ; meat (viande), 162 occurrences ; fish (poisson), 3 occurrences… dans des notes de bas de page ; milk (lait), 1 occurrence ; dairy (produit laitier), 2 occurrences ; cheese (fromage), 6 occurrences ; egg (oeuf), 2 occurrences ; leather (cuir), 0 occurrence ; zoo (parc zoonimalier), 0 occurrence ; testing (expérimentation), 0 occurrence.
- On peut noter qu'il cite entre autres Peter Singer et Tom Regan. En revanche, ce n'est pas le cas de Gary Francione.
-
En page 51, il lâche (via M.)
que l'élevage et la mise à mort
d'animaux non-humains
ne lui posent pas de problème en soi :
- Le 9 avril 2019, est publié son livre "Dialogues on Ethical Vegetarianism".
- Le 27 juin 2019, est publié "Michael Huemer on Animal Welfare: Self in Society #3" par le compte Ari Armstrong de l'ordinato-plateforme centralisée et privatrice YouTube du Big Brother capitaliste Google.
- Le 29 avril 2020, est publié "Ethical Vegetarianism | Dr. Michael Huemer" par le compte Crusade Against Ignorance de l'ordinato-plateforme centralisée et privatrice YouTube du Big Brother capitaliste Google.
- Le 6 janvier 2021, est publié son livre "Dialogue entre un carnivore et un végétarien".
- Le 15 février 2021, est publié "Souffrance humaine versus souffrance animale, bonnes feuilles de Dialogue entre un carnivore et un végétarien (2021) de Michael Huemer" par la revue L'Amorce qui se présente comme revue contre l'espècisme (sic). Un peu moins d'un an après, la même revue offrira un autre éloge.
- En avril 2021, est publié un très rapide compte-rendu de son dialogue par Thomas Lepeltier dans le numéro 335 de Sciences Humaies.
- Le 14 octobre 2021, est publié "#534 Michael Huemer: Moral Realism, Ethical Intuitionism, and Veganism" par le compte The Dissenter de l'ordinato-plateforme centralisée et privatrice YouTube du Big Brother capitaliste Google.
- Le 3 janvier 2022, est publié "Socrate n'a qu'à bien se tenir ! À propos de Michael Huemer, Dialogue entre un carnivore et un végétarien (2021)" par François Jaquet pour la revue L'Amorce. Déjà l'année d'avant, le livre avait été évoquée élogieusement par la revue.
- Le 13 janvier 2022, est publié "Phenomenal Conservatism, Veganism and Anarchism w/ Prof. Michael Huemer |Philosophy|Anwesh Satpathy" par le compte Anwesh Satpathy de l'ordinato-plateforme centralisée et privatrice YouTube du Big Brother capitaliste Google.
- Le 9 février 2022, est publié A New Book to Introduce People to Ethical Vegetarianism" par Sam Enright sur Effective Altruism Forum.
- Le 4 octobre 2022, est publiée la déclaration de Montréal sur l'exploitation animale par le Groupe de Recherche en Éthique Environnementale et Animale (affilié au Centre de Recherche en Éthique). Michael Huemer en est signataire.
-
Le 26 juin 2023, est publié
"Le problème éthique de la viande"
par la revue L'Amorce
(dont la vocation prétendue est
contre le spécisme
). Ce serait un chapitre extrait de "Knowledge, Reality, and Value". Tout d'abord, il fait sa focalisation habituelle : le problème seraitl'élevage intensif
(et non l'élevage tout court et d'autres pratiques d'exploitation et/ou de mise à mort d'animaux non-humains en l'absence de nécessité) et la solution seraitle végétarisme éthique
(pas le véganisme, qui va au-delà de la chair et même plus généralement de la bouffe). Ensuite, il prend explicitement position en faveur du bien-être (comme son maitre Peter Singer) contre les droits (en citant Tom Regan et pas Gary Francione). Puis il répond à plein de d'arguments classiques contre sa position végétarienne à base d'élevage intensif. Mais il ne s'arrête pas là. En effet, il commence par rejeter aussi explicitement les produits laitiers et les oeufs, mais également les produits zoonimaliers pour vêtements, comme le cuir et la laine, mais là encore si c'est obtenu par élevage intensif. Vient après le sujet du non-intensif ou du moins de ce qui est prétendument respectueux du bien-être des zoonimaux (et pas des zoonimaux eux-mêmes, le bien-être étant tout ce qui compte) : il commence par dire que la majorité des labels sont de la grosse connerie, toutefois il est bien plus hésitant sur certains non-auto-attribués (comme Certified Humane de l'Humane Farm Animal Care). Comme déjà par le passé, il ré-itère sa non-prudence vis-à-vis des bivalves et insectes qu'il qualifie de non-sentients, ce qui le conduit à s'écarter quasi-explicitement des véganistes. Cela est suivi par une acceptation sans réserve de la viande de laboratoire qui serait nécessairement sans cruauté (alors que ça ne serait pas forcément le cas) et qui ne poserait pas le problème de la culture de la viande et du repli sur la viande de cadavres s'il venait à y avoir un doute sur celle de laboratoire. Notrerevue contre le spécisme
n'ajoutera pas la moindre note critique : se réclamer de l'anti-espècisme c'est pour faire bon genre ? - Le 13 mai 2023, est publiée la vidéo "Michael Huemer: In Defense of Ethical Vegetarianism" par Philosophy Club SWC de l'ordinato-plateforme centralisée et privatrice YouTube du Big Brother capitaliste Google.
Livres écrits (au moins en partie) par Michael Huemer
Liste de ses livres en lien avec l'animalisme
Livre en français écrit (au moins en partie) par Michael Huemer
- Dialogue entre un carnivore et un végétarien paru le 6 janvier 2021 traduit de l'anglais au français par Paul Laborde avec un avant-propos de Peter Singer chez Albin Michel (EAN : 9782226446459, notice FRBNF46691551)
Livre en anglais écrit (au moins en partie) par Michael Huemer
- Dialogues on Ethical Vegetarianism paru le 9 avril 2019 chez Routledge (ISBN : 9781138328297)
Critique de son dialogue entre un carnivore et un végétarien
- On peut juger le livre intéressant de par ses raisonnements philosophiques, pour se branler intellectuellement. Mais on peut considérer qu'il y a de graves problèmes pour la défense des intérêts des animaux non-humains (ou zoonimaux), donc pour la défense et la promotion du véganisme, et en fait même pour le végétarisme mais dans une moindre mesure.
- Aussi bien dans le titre anglais (original) que français (qui n'est pas le même), il est question de végétarisme et pas véganisme. On pourrait alors se dire qu'il va défendre le mel-ovo-lacto-végétarisme. Toutefois, malgré ce à quoi suggèrent les titres, ce n'est pas tout à fait le cas. En effet, il se prononce pour le véganisme. Néanmoins, il évoque beaucoup le végétarisme et met en scène une personne végétarienne dans son dialogue, comme l'indique d'ailleurs son titre en français. De plus, une partie non-négligeable du discours du végétarien tend à mettre l'accent sur les zoonimaux exploités et tués pour la consommation alimentaire. Même si l'on peut déplorer cet angle de fait, une fois celui-ci admis (avec joie ou pas), on peut trouver in fine les titres plutôt adaptés et tant mieux si ça va en fait plus loin parfois, on peut en effet juger qu'il vaut mieux qu'un texte ait prétention à défendre le végétarisme et qu'il le fasse bien ou pas plutôt que de mal défendre le véganisme et donc induire en erreur à son propos pour celleux qui cherchaient à se renseigner sur lui.
-
Le titre français parle de "carnivore".
Il en est de même dans le texte.
Pourtant la personne désignée comme carnivore ne l'est pas,
elle est omnivore,
comme tous (ou presque tous ?) les humains,
et omnivoriste
(c'est-à-dire qu'elle a une pratique omnivore).
On peut donc trouver que
la dénomination choisie est inappropriée.
On peut certes rétorquer que
"carnivore" est fort probablement plus courant,
mais parler d'omnivoriste semble tout à fait compréhensible
pour tout le monde.
Notons que dans le texte original,
c'est
meat-eater
, c'est-à-dire mangeur de viande, ce qui est exact. C'est donc une liberté prise à l'édition en français. Il est triste d'avoir fait une mauvaise traduction pour quelque chose de si courant dans ce texte. -
Au début de l'avant-propos de Peter Singer, en page 7,
sont mis en avant
les fermes industriels
(factory farms
en version anglaise) comme cause du passage au végétarisme. C'est pourtant une base au mieux particulièrement faible, car ne pas recourir aux aliments animaux obtenus par mort direct des animaux, c'est-à-dire être végétarien·ne, n'implique pas le non-recours exclusif de l'exploitation et la mise à mort industrielles des animaux non-humains. On peut très bien refuser la forme industrielle sans pour autant être végétarien·ne, même si ça coûte plus cher et qu'il faudrait fort probablement réduire considérablement la consommation d'extraits d'animaux morts (et à fortiori dans la France et les États-Unis d'Amérique du Nord du début du 21ème siècle) pour que ce soit généralisable. Évidemment, à fortiori, c'est encore plus vaseux pour défendre le véganisme et encore plus pour l'anti-espècisme. À défaut de condamner l'exploitation, le végétarisme non-végan condamne, pour l'alimentation humaine, la mise à mort en tant que tel et non uniquement la forme industrielle. -
En page 11 commence la préface, elle de Michael Huemer.
Voila ce qu'on peut y trouver à son tout début :
Ce que j'ai fait de plus grave dans ma vie, c'est d'avoir mangé de la viande et d'autres produits d'origine animale pendant des années. Je ne peux expliquer pourquoi je l'ai fait […]
. Pourquoi mettre en avant l'alimentation ? L'exploitation, avec son lot de souffrances, et la mise à mort, que les individus cherchent ordinairement à éviter, ne sont graves que quand c'est pour l'alimentation ou sont plus graves quand il s'agit de l'alimentation que du reste (habillement, loisir, décoration, cosmétique, transport, recherche scientifique, etc.) ? Pourquoi une telle distinction serait-elle valable ? Il pourrait tenter d'être argué que l'exploitation et/ou la mise à mort pour la chair représentent la plus grande partie, mais il est question deviande
etd'autres produits d'origine animale
, donc aussi du miel qui est relativement peu consommé, mais qui a certes pour lui de nécessiter beaucoup d'individus pour une faible quantité par rapport à d'autres aliments animaux courants (la chair non-insecte, le lait et les oeufs). Dès le début du texte, on peut voir le prisme alimentaire, alors que rien ne le justifie philosophiquement et pratiquement, puisque une phrase pas plus longue aurait pu mettre en cause l'exploitation et la mise à mort (exemple : Ce que j'ai fait de plus grave dans ma vie, c'est d'avoir profité de fruits de l'exploitation et la mise à mort d'animaux non-humains en l'absence de nécessité et ce pendant des années.). Rien n'aurait ensuite empêché de partir de la consommation alimentaire, car c'est ce qu'il y a de plus courant et que c'est plus facile d'attaquer là-dessus que sur d'autres sujets (comme l'expérimentation, l'esclavagisme pour avoir de la compagnie, etc.). C'est d'ailleurs ce qui a été fait dans "Petit traité de véganisme" par Gary Francione et Anna Charlton aux éditions L'Âge d'Homme. -
À la fin de page 11 et au début de la page 12, on peut lire
Je savais aussi qu'ils étaient élevés dans des conditions artificielles, leur interdisant de vivre la vie que leur prescrivait la nature.
On peut là noter un fétiche naturaliste. Voudrait-il la même chose pour l'humain, à savoir la vie que soi-disant "la Nature" nous prescriverait ? ou elle ne prescriverait rien pour notre espèce et le faire en revanche pour toutes les autres connues ? En vérité, il n'est pas facile de conclure. En effet, plus tard, de la page 74 à 76, il combattra la présente position, le naturalo-féchisme. Et il le refera à la page 164 et 165, dans le cadre de sa bibliographie annotée, viaCommon Arguments for the Moral Acceptability of Eating Meat
de Dan Lowe. -
En page 13, il énonce que
celui qui s'oppose à la cruauté devrait au moins renoncer à tous les produits issus des fermes industrielles.
- On remarquer qu'il n'est donc pas sûr pour les fermes non-industrielles. L'avant-propos de Singer était d'ailleurs déjà annonciateur à ce sujet.
-
Ce qui lui pose problème
est uniquement la souffrance.
Le meurtre des animaux non-humains
ne semble pas lui poser problème,
Il ne leur reconnait donc pas le droit à la vie,
ou qui serait bien secondaire.
Le cas échéant, il n'y aurait
pas de
au moins
.
-
En page 13, on peut lire ce qui suit :
Peut-être la consommation de viande est-elle plus grave que celle des produits laitiers ou des oeufs
. On ne sait pas vraiment pourquoi ce serait peut-être plus grave selon lui. On peut toutefois envisager qu'il serait hésitant vis-à-vis du droit à la vie. Toutefois, le lait est produit pour un ou des enfants, donc il en faut qu'au moins un naisse. S'il était laissé en vie et auprès de sa mère, il pomperait une part non-négligeable de lait, donc réduirait d'autant la consommation pour l'humain. C'est pourquoi, dans une optique productiviste, l'enfant ou les enfants sont enlevés à leur mère, puis sont tués et vendus en tant que viande. Pour les oeufs, la spécialisation industrielle conduit à avoir des races spécialement pour les oeufs et d'autres spécialement pour la chair. Or, il n'y a que les femelles qui pondent. En conséquence, quand il s'agit de la production d'oeufs, une opération de tri des nouveaux nés est faite : les femelles sont gardées (pour être exploitées), mais pas les males (qui sont donc tués). Cela est appelé le sexage. Enfin, une fois que la production de lait ou d'oeuf passe en-dessous d'un certain seuil, les individus qui en produisent sont considérés comme non-rentables, donc ils sont éliminés, c'est-à-dire tués, et évidemment vendus en tant que viande (de basse qualité). Vouloir séparer la viande du lait et des oeufs est donc illusoire dans le mode industrielle de production. Dans ce contexte, on voit mal comment la viande pourrait peut-être être plus grave que le lait et les oeufs. Toutefois, on pourrait arguer, à raison, que ce n'est pas le seul mode possible. Néanmoins, il faut être conscient qu'un autre mode serait moins productif vis-à-vis de ces produits et donc qu'ils seraient plus rares si le mode industriel était décimé. -
En page 13, il soutient qu'
on ne devrait soutenir aucune forme de cruauté
. Mais juste avant, à la même page, il disait quecelui qui s'oppose à la cruauté devrait au moins renoncer à tous les produits issus des fermes industrielles
. Existerait t'il donc peut-être une forme d'exploitation des zoonimaux, avec pour condition nécessaire qu'elle soit non-industrielle, qui pourrait potentiellement ne pas être cruelle ? C'est ce que laisse supposer cette page. Mais il n'a pas l'audace de tenter de nous faire apercevoir une telle chose et encore moins de nous expliquer pourquoi elle serait non-cruelle. -
En page 16, il commence à présenter
l'objectif de ce livre
. Ça commence ainsi :En écrivant ce dialogue, j'ai voulu accélérer le processus de conversion vers le véganisme.
Plus loin, à la même page, on peut lireIl [ce livre] s'adresse à toute personne soucieuse des questions éthiques liées à ce que nous mangeons.
Ce n'est pas complémenté par autre chose… Pourtant le véganisme ne s'intéresse pas exclusivement à l'alimentation. En fait, il ne s'y intéresse même pas surtout à ça. Le véganisme est sur tous les aspects de la vie, sans hiérarchisation entre eux. Il est donc au mieux particulièrement curieux prétendre vouloir convertir au véganisme et en même temps le restreindre à l'alimentation. La Vegan Society, qui a fait naitre et éclore ce concept, a proposé la définition suivante :Le véganisme est une façon de vivre qui cherche à exclure, autant que faire se peut, toute forme d'exploitation et de cruauté envers les animaux, que ce soit pour se nourrir, s'habiller, ou pour tout autre but.
Le véganisme n'est pas une branche de l'alimentation, mais c'est une branche de l'éthique. Certes ça touche à l'alimentation, mais qu'à ça, ni même principalement dans sa portée théorique. Certes, dans une société très omnivoriste et ayant forgé toutes sortes d'artifice pour se passer des zoonimaux (machines, matières synthétiques, modélisations ordinatiques, etc.), l'exploitation et la cruauté envers les zoonimaux est faite principalement pour l'alimentation. Toutefois, il est inadapté de vouloir convertir à quelque chose en présentant mal cette chose. Si on réduit le véganisme à l'alimentation, ce qui est absurde vis-à-vis de son but, il n'y a lors aucune raison de boycotter le cuir, la fourrure, les plumes, la laine, la soie, les cornes, les os, les têtes empaillées, les parcs zoonimaliers, l'équitation, la corrida, les cosmétiques fait avec un ou des zooproduits, etc. -
En page 17, il positionne / compare son livre
à d'autres écrits sur le végétarisme.
Pourtant à la page précédente,
il annonçait qu'il y défendrait le végétarisme.
Pourquoi changer de mot ?
Cela porte à confusion,
d'autant plus que végétarisme et véganisme
ne recouvrent pas la même chose.
En effet, le véganisme est un sous-ensemble du végétarisme,
du moins en approximant pour simplifier
(à moins de considérer que le végétarisme comprend aussi
la clause
autant que faire se peut
). -
En page 18, il qualifie de
la voix la plus importante du mouvement de libération animale
celui qui a écrit l'avant-propos du livre, à savoir Peter Singer. Les francionistes (ou les francioniens et les francioniennes dans une approche binaire), les personnes partisanes au moins en grande partie des idées de Gary Francione, ont de quoi s'étouffer et avoir envie de refermer le livre. Toutefois, cette déclaration n'est pas bien surprenante. En effet, il aurait été étrange que soit accordé l'avant-propos à quelqu'un qu'il n'aimerait pas. -
Les 2 protagonistes fictifs vont dans un restaurant.
Pour chaque journée de discussions,
nous est donné une situation.
Michael Huemer, ou son édition en français ?,
dansent encore une fois entre végétarisme et véganisme.
Pour un livre qui se veut être, selon sa page 16,
une introduction à l'éthique derrière,
c'est pour le moins embêtant
de faire un tel mélange,
de contribuer à la confusion.
-
En page 19, commence le premier jour
de dialogue entre les 2 personnages.
Au tout début, dans la situation,
nous est indiqué qu'ils se retrouvent
dans
un restaurant végétarien
(précision inexistante dans la version originale pré-livre qui parlait juste detheir local Native Foods Cafe
en sa page 23 du volume ou 3 du point de vue de l'article). Pourquoi ne se retrouve t'il pas plutôt dans un restaurant végan ? La consommation de lait, d'oeuf, de miel, notamment, est elle éthique par rapport à la chair ou mort directe ? En page 22, est toutefois précisé qu'ils [C. et V.] entament deux appétissants repas végans
(ce qui est cette fois conforme à l'originale, voir à ce propos la fin de sa page 24). -
En page 51, c'est le début du second jour
et cette fois nous est indiqué
qu'ils vont au même restaurant
pour un autre délicieux repas végan
. En page 83, c'est le troisième jour et les 2 personnagespartagent un troisième festin végan
. Enfin, en page 117, c'est le quatrième et dernier jour, et nous serons là juste que c'est aumême endroit
. Remarquons que pour les jours 2, 3 et 4, cela suit l'article universitaire de base. Est-ce un rajout de Michael Humer dans son adaptation personnelle en livre ou vient t'il de son éditeur en français ?
-
En page 19, commence le premier jour
de dialogue entre les 2 personnages.
Au tout début, dans la situation,
nous est indiqué qu'ils se retrouvent
dans
-
En page 24, V., par lequel il parle
(à contrario de C. qui se veut être
une personne lambda tentant de défendre
l'exploitation des animaux non-humains),
dénonce
l'industrie de la viande
.-
Pourquoi parler de
l'industrie
? L'exploitation non-industrielle non-nécessaire serait elle acceptable ? -
Pourquoi parler de
la viande
et pas de la production des animaux ? En quoi exploiter et/ou tuer un être sentient serait particulier si c'est fait pour de la chair ? Ne faut-il pas condamner la pratique dans tous les cas (hormis nécessité) et ce pour une raison fondamentale qui n'a rien à voir avec la production finale consommable ?
Le véganisme est une façon de vivre qui cherche à exclure, autant que faire se peut, toute forme d'exploitation et de cruauté envers les animaux, que ce soit pour se nourrir, s'habiller, ou pour tout autre but.
Nous avons là donné la définition proposée par la Vegan Society, qui a fait historiquement émerger le concept. -
Pourquoi parler de
-
En page 24, son personnage V. affirme que
l'industrie de la viande inflige beaucoup de douleurs et de souffrances aux animaux
. En quoi le fait que ce soitbeaucoup
serait particulièrement pertinent ? Elle en infligerait un peu en l'absence de nécessité, cela en deviendrait t'il acceptable ? Faut-il que l'hétéro-patriarcat provoquebeaucoup de douleurs et de souffrances
pour qu'il soit légitime de le dénoncer et avoir la volonté de l'abattre ? Se focaliser sur la quantité offusque le problème de fond, lui non-quantitatif mais qualitatif. De plus, même si c'est anecdotique, le quantitativisme pose un problème, à fortiori quand il porte sur quelque chose comme la douleur et la souffrance : comment quantifier ? et donc à partir de quand ce serait trop et donc à condamner ? -
En page 30, il dit, via son personnage V., que
même si cela est vrai [que les intérêts des humains intelligents comptent mille fois plus que les intérêts des animaux stupides], l'élevage intensif reste quelque chose de grave
Pourquoi se focaliser sur l'élevage intensif ? Pourquoi se focaliser la forme et non l'usage lui-même ? L'exploitation et le meurtre d'un être sentient commis en l'absence de nécessité peut devenir acceptable si c'est fait d'une hypothétique bonne manière ? Ce n'est pas écrit littéralement là, mais ça peut laisser à le supposer. -
En page 31, il affirme que :
Les humains tuent environ 74 milliards d'animaux [non-humains] par an. Et l'on ne parle [là] que des animaux terrestres [et encore juste de ceux exploités et/ou directement tués] ; le nombre d'animaux marins est beaucoup plus important.
Autrement dit, le nombre d'animaux [non-humains] tués en une année pour se nourrir représente plus de sept fois la population humaine totale.
-
En page 31, il a brillamment sorti des chiffres
pour tenter (pitoyablement) de défendre
qu'il faudrait que
l'élevage intensif
(p. 30) devrait être aboli et en attendant boycotter. Du coup, ô surprise, en page 32, on a le droit à une bataille de chiffres ! Mais si le problème n'est pas le principe mais la quantité, c'est alors tout à fait logique de verser là-dedans. Il faut du coup de lui-même la démonstration que c'était un mauvais argument pour sa cause. Son adversaire (C.) utilise en effet le quantitativisme contre lui, en pointant d'ailleurs le problème fondamental de la quantification de la douleur et de la souffrance. Il tente alors de s'en sortir en agitantl'élevage intensif
etune ferme industrielle
. Il est alors trivial de s'en sortir, la porte de sortie est donnée : l'élevage paysan dans une ferme paysanne, et vas te faire foutre avec ton végétarisme ou véganisme, puisque toi-même tu défendais souvent que le problème était la quantité ou la forme et non le principe en lui-même s'il n'y avait pas nécessité de survie. -
De la page 41 à la page 46, Michael Huemer développe
un argumentaire probabiliste-impactif.
On n'imagine mal quelqu'un faire de même
avec par exemple le racisme, le sexisme ou la lgbtphobie.
Si un·e philosophe avait fait cela de bonne fois,
on dirait probablement qu'ille s'est égaré·e
pour la défense de la cause.
On pourrait même tout à fait envisager que
cette partie de son argumentation
soit reprise par les pro-oppressions
(est-ce si probable que prétendu ?
est-ce que ça a autant d'impact que prétendu ?).
De plus, et surtout, l'argument de l'impact quantitatif,
avec de nouveau ses
74 milliards
, qu'il divisera par 100 puis par 1000, revient de fait à ne pas défendre le principe, que le problème est qualitatif et non quantitatif. Le sexisme et le racisme ne sont pas combattus idéellement de la sorte, pourtant il y en a des gens opprimés par ces matrices et ce autant quantitativement que proportionnellement, et pour cause, car le problème est qualitatif. -
Au début du jour 2, en page 51 et au début de la page 52,
son contradicteur imaginaire, C., propose une synthèse.
On y retrouve
74 milliards d'animaux [non-humains]
, Peter Singer etl'élevage intensif
. Un excellent cocktail pour défendre l'élevage paysan et le réductionnisme, mais donc aussi rejeter le végétarisme et le véganisme. En fin de page 52, son contradicteur lui fera d'ailleurs à raison remarquer :cela ne veut pas dire qu'il est grave de manger de la viande.
, En page 53, il continue en ce sens :on pourrait produire de la viande humainement [comme si l'humain était bon en soi, comme si Adolf Hitler et Joseph Staline n'étaient eux par exemple pas humains, niaiserie humaniste classique], sans toute cette cruauté. Ainsi, en principe, il pourrait y avoir une industrie de la viande moralement acceptable, auquel cas on pourrait [éthiquement] manger la viande qui en serait issue.
Michael Huemer ne répond pas par la négative, en même temps avec son raisonnement il ne le peut pas. Voila donc sa réponse :c'est le cas dans le monde dans lequel nous vivons
. Mais il existe encore de la production de zooviande faite d'une manière non-industrielle et on peut tout à fait se restreindre à celle-là, même si ça coûte généralement plus cher et que c'est bien plus dur à trouver. Il s'en suit que son argumentation n'est même pas bonne pour le pesco-végétarisme, mais le type se drape parfois en défenseur du véganisme ! Enfin, il dit lui-même qu'il ne rejette en soi ni l'exploitation ni la mise à mort des zoonimaux en l'absence de nécessité de survie :Il importe peu qu'il existe un monde possible dans lequel cela ne poserait pas de problème.
Autrement dit, son positionnement est conjoncturel et en rejetant une partie de la réalité sous le prétexte qu'elle est marginale. La discrimination en fonction de l'espèce ne lui pose donc pas de problème en soi, ce qui fait très clairement de lui, au moins idéellement, un espèciste. -
À la page 57, Michael Huemer parle
de
viande
et derégimes carnivores
.- Avec cette focalisation sur un des produits de la considération des zoonimaux comme des choses, il sous-entend de fait, ou au moins peut laisser à penser, que c'est ça qui est le problème ou avant tout ça. Or si on pense que le problème est la souffrance, comme il le dit ailleurs à de nombreuses reprises, alors il n'y a aucune raison de mettre particulièrement la lumière sur la viande et les régimes alimentaires associés. Même dans une optique végétarienne, il serait plus court en français de parler de chair (ou flesh en anglais, tandis il est vrai que meat est plus long, mais d'un pauvre caractère), ce qui aurait au moins le mérite d'inclure sans doute possible les poissons. Toutefois, en réalité, le problème se trouve dans la manière même qu'il pose la problématique : il part bien trop de la consommation (et en réutilisant d'ailleurs jusqu'au vocabulaire, ce qui le conduit par exemple à parler de viande et non de cadavre, ce qui pourtant crucial dans l'aseptisation du produit de par l'invisibilisation opérée sur le processus de sa concrétisation qui est là où il y a l'exploitation et donc bien sûr les exploité·e·s), au lieu de partir avant tout des exploité·e·s et de revenir à la consommation que comme objet secondaire bien que crucial et donc la nécessité morale du véganisme (ou du bivalvéganisme selon lui).
- La très vaste majorité des humains, si ce n'est tous, n'ont pas un régime carnivore, mais omnivore. Cela est pourtant utile pour relativiser l'importance de la chair dans les pratiques dominantes et plus généralement ses apports.
-
À la page 60, a lieu une discussion
sur l'évolution du prix de la viande
en fonction de la fluctuation de la demande solvable.
Via son personnage V., il affirme :
Selon la théorie économique classique, lorsque la demande d'un produit diminue [ah ces économistes bourgeois si enclins à parler de la demande et non de la réalité, à savoir la demande solvable, qui soulève elle le problème de la solvabilité et donc de la répartition des richesses et met en lumière que le divin marché a vocation de par sa nature à satisfaire en fonction de la richesse économique et non égalitairement au service de la volonté générale constituée par l'agrégation des actes individuels], les producteurs baissent les prix et réduisent la production. Donc, si beaucoup de gens cessent de manger de la viande [peut-être par insolvabilité ou autre non-accès par discrimination et non forcément par désir comme le sous-entend la demande non-qualifiée], ils vont baisser le prix et réduire la production.
On trouve cela pour le moins bizarre comme loi général du Marché. En effet, une baisse d'achat entraine à terme une baisse de production, mais du coup les économies d'échelles sont moindres, donc pourquoi le prix baisserait ? En fait, il est tout à fait possible et probable qu'effectivement le prix baisse, mais uniquement conjoncturellement, le temps d'écouler les stocks, et qu'ensuite il revienne vers son niveau antécédent ou augmente plutôt que baisser. -
En page 63, on retrouve, ô surprise,
les fermes industrielles
. Mais on a aussi un bonus : l'incitation à regarder une vidéo (sur l'ordinato-plateforme privatrice et centralisée YouTube du Big Brother capitaliste Google) montrant à quel point les fermes industrielles c'est horrible. Cette focalisation sur les pires conditions mène à rejeter les pires conditions, puisque c'est ça qui est mis en avant et non l'exploitation elle-même qui peut prendre des formes moins graves sur la forme. C'est pourquoi Gary Francione est contre ça. Il montre lui plutôt à voir des scènes paisibles, ce qui n'empêche pas de mobiliser l'empathie et est bien plus favorable à faire condamner l'exploitation en tant que telle et non uniquement sur une ou plusieurs de ses formes. -
En page 65, il parle de nouveau
de
viande
etcarnivores
via son personnage V., à travers lequel il exprime son point de vue. Si à des moments, il parlait de lait, d'oeufs, de miel, de cuir, de laine, de plumes, de soie, de cornes, d'os, de têtes empaillés, de corrida, de chasse, d'équitation, de cirque(s) avec un zoonimal ou des zoonimaux, de prison(s) remplie(s) de zooprisonniers, de traction faite par un ou des zoonimaux esclavagisés, d'expérimentation(s) sur zoonimaux qui ne serai(en)t toléré(s) sur humains, de zooesclaves de compagnie, etc., alors ce serait tout à fait ok de parler de temps en temps de viande. Sauf que non, il ne parle quasiment que de ça comme production engendrée par des zoonimaux exploités. Du point de vue de la critique de l'exploitation, de sa dénonciation et volonté de convaincre de son boycott, donc in fine du point de vue moral, la focalisation sur la viande pose clairement problème. Certes son livre est au format poche et c'est écrit gros, mais il fait tout de même 150 pages (et ce sans compter la bibliographie), donc ce n'est pas excusable au motif du manque de temps ou d'espace. -
En page 66, il affirme (à travers V.)
il est mal d'infliger de la douleur et des souffrances aiguës sans raison valable.
- Pourquoi faudrait t'il qu'une douleur ou une souffrance soit aiguë pour ce soit considérer comme mal de l'infliger ? On n'a une grosse envie de la baffer, ce qui ne représenterait vraisemblablement pas une douleur ou une souffrance aiguë, alors…
- Qu'est-ce qui est valable et ne l'est pas ? C'est pour le moins bien flou. Chacun aura sa petite conception. Pourquoi ne pas plutôt parler de nécessité de survie ou à minima de vie en bonne santé ? Nous savons bien que la vie en bonne santé est la justification courante pour infliger d'innombrables souffrances à des animaux non-humains (ou zoonimaux) au nom de la recherche médicale et que c'est totalement espèciste si l'on n'est pas prêt à faire de même avec son espèce (ou plutôt si on est d'accord pour ce soit fait avec au moins une espèce et pas d'accord pour que ce soit avec au moins une autre, mais fort étrangement sa propre espèce est très souvent exclue et les autres le sont souvent pas). Toutefois il est espèciste, nous l'avons vu, et il ne parle pas (au moins dans ce livre) de sujets plus sensibles comme la recherche scientifique et à fortiori la recherche médicale pour l'humain, donc pas la peine de rechercher la position pure, une contre-proposition bien moins problématique serait déjà bien moins embêtante, car elle induirait qu'il faut éviter d'aller volontairement contre les intérêts des sentient·e·s pour un spectre beaucoup plus large. On pourrait certes arguer que la valabilité ne comprend pas ce qui est espèciste, mais ce n'est là pour le moins pas le sens commun au moment où ces lignes sont écrites, et on peut aussi arguer que la vie en bonne santé ne nécessite pas l'expérimentation zoonimale ou que d'une manière fort négligeable et qu'elle est donc plutôt dispensable même d'un point de vue anthropocentré ou anthropoexclusif.
-
En page 67, à travers son personnage V.,
il fait montre, pour le moment d'une manière vaseuse,
d'une attribution à géométrie variable de
la sentience :
aucun scientifique animalier ne doute sérieusement que les animaux de ferme ressentent la douleur.
On pourrait là se dire qu'il se prononce que sur un sous-ensemble des animaux non-humains, mais que cela ne dit en rien qu'il en exclut les autres ou une partie des autres. Mais dans le jour 4, qui est aussi le dernier, on verra qu'il exclut les bivalves et les insectes, sans faire preuve de prudence au cas où il aurait tord, alors qu'en ce possible cas les conséquences sont pourtant funestes, et qu'inversement les restrictions que la prudence lui aurait imposé sont bien moins embêtantes et donc il serait bien plus sage de se les imposer et d'inciter tou·te·s à en faire de même. -
En page 69 et page 70, Michael Huemer use de
la notion méta-physique de
libre arbitre
pour distinguer humains et animaux non-humains. Selon lui, celleux qui n'en seraient pas dotés ne seraient pas des agents moraux, tandis que les autres en seraient. C'est pour le moins fort problématique. En effet, même en admettant que le libre arbitre existe dans la réalité concrète et pas juste comme illusion dans les têtes de certains, il n'est à priori pas facile de définir qui en est doté chez les sentient·e·s. Mais on peut aussi ne pas être convaincu de la prémisse : on peut ne pas être convaincu que le libre arbitre existe à l'état pratique et ce peu importe les êtres. À ce sujet, on peut mobiliser Baruch Spinoza :les humains se trompent en ce qu'ils se croient libres ; et cette opinion consiste en cela seul qu'ils ont conscience de leurs actions et sont ignorants des causes par où ils sont déterminés ; ce qui constitue donc leur idée de la liberté, c'est qu'ils ne connaissent aucune cause de leurs actions.
(Éthique, partie 2 "De la nature et de l'origine de l'Esprit", scolie de la proposition 35) etLa plupart de ceux qui ont écrit sur les sentiments et sur la manière de vivre des humains paraissent traiter, non de choses naturelles qui suivent les lois communes de la Nature, mais de choses qui sont en dehors de la Nature. Bien plus, ils paraissent concevoir l'humain dans la Nature comme un empire dans un empire. Car ils croient que l'humain trouble l'ordre de la Nature plutôt qu'il ne le suit, qu'il a sur ses actions une puissance absolue et qu'il ne se détermine d'autre part que de lui-même.
(Éthique, partie 3 "De l'origine et de la Nature des sentiments", début). Pour de plus amples développements, on renvoie à "La querelle du déterminisme en sciences sociales : un point de vue spinoziste" de Frédéric Lordon dans l'ouvrage collectif "Spinoza et les passions du social" publié aux éditions Amsterdam en 2019. On peut donc penser que son argumentation à base delibre arbitre
se base sur le préjugé de l'existence concrète de celui-ci et qu'il l'attribue au doigt mouillé, donc que ce qu'il batit là-dessus est au mieux faible, donc non-susceptible de convaincre par la Raison, mais heureusement pour lui il n'y a pas de force intrinsèque de l'idée vraie (pour l'exprimer avec Pierre Bourdieu ; et pour celleux qui veulent l'explication, on renvoie à Baruch Spinoza, Éthique, 4ème partie, proposition 14). Pourtant il n'y a pas besoin de savoir si une ou plusieurs autres espèces font des choses injustes pour savoir si nous devons faire de même ou pas. Si l'on considère que l'humain est doué de libre arbitre, peut-être y aurait t'il de quoi en penser de même pour le lion, mais le fait que le lion mange la gazelle ne devrait pas nous faire valider que l'on mange le lion ou la gazelle en l'absence de nécessité de survie. D'ailleurs, puisqu'il se base sur la relation entre ces 2 espèces, il faut tout de même noter que le lion a besoin de manger des êtres sentient·e·s pour survivre et donc que ça ne peut lui être reproché, mais qu'on peut néanmoins reprocher éventuellement qu'il en mange plus que nécessaire dans le cas où sont disponibles des ressources alimentaires non-basées sur la vie sentiente et que celles-ci pourraient effectivement remplacer au moins une part de sa consommation de sentient·e·s sans que cela ne contrevienne à sa bonne santé. -
En page 71, est dit (via le personne V.)
je connais une manière de nous empêcher [nous = les humains] de massacrer [et pas exploiter ?] des animaux sans que nous en mourrions. On pourrait manger des légumes.
Pourtant manger juste des légumes n'est pas viable. Les légumes c'est bien, mais ce n'est aucunement suffisant. Il faut aussi des céréales, des légumineuses, des fruits, et de préférence également des oléagineux, du moins si l'on veut continuer de vivre. Mais cette fois le problème ne vient pas de Michael Huemer, mais de la piètre traduction en français. En effet, dans la version originale en anglais, à la page 66, il est question devegetables
, c'est-à-dire de végétaux et pas juste des légumes (qui n'en est qu'un sous-ensemble). Toutefois, il est fort problématique que, autant dans la version originale que dans l'adaptation en livre, il ne soit question de l'indispensable vitamine B12. Le végétalisme n'est viable pour l'humain qu'en se complémentant, car il n'existe pas de source fiable pour lui dans le monde végétal, n'en déplaise entre autres aux marchands de spiruline. Tristement ces 2 problèmes auront bien plus loin une nouvelle occurrence (en page 118). - De la page 74 à 76, son antagoniste (C.) tente de défendre que ce qui serait naturel serait bon. Le personnage à travers lequel il donne son point de vue (V.) combat lui ce fétichisme de la naturalité ou plutôt ce qui est considéré comme tel. Cela fait pour le moins contraste avec un précédent propos au tout début de la préface.
-
En page 74, il remettra une couche sur
sa focalisation sur
l'élevage intensif
. En effet, alors que l'antagoniste (C.) défendait la consommation de viande par l'instinct, la survie, la tradition ancestrale, il rétorquera ce qui suit :Nos ancêtres ne connaissaient pas l'élevage intensif.
Cela sous-entend que le problème est l'élevage intensif, et non l'exploitation et la mise à mort en l'absence de nécessité de survie et peu importe la forme prise (industrielle, paysanne, chasse, domestique, etc.). Bien sûr, il y avait historiquement nécessité, de par l'inconnaissance de la vitamine B12, et encore là que pour l'alimentation et dans une certaine mesure seulement, mais là-dessus il aurait été à priori difficile d'étudier sans mettre en danger les sujets. Sauf que nous ne sommes plus en ces temps là, nous savons pour la vitamine B12, autant son existence que comme la produire, la nécessité n'est plus pour l'espèce, seulement pour une portion des individus qui n'ont pas matériellement les moyens de faire autrement, et on peut en excuser une autre partie qui ne sait pas encore que le végétalisme est viable pour les humains à tous les ages de la vie (à la condition impérative de se complémenter en vitamine B12 assimilée par le corps humain, ce qui n'est entre autres pas le cas de celle présente dans la spiruline). Malgré que les sentient·e·s cherchent à persévérer dans la vie, ce ne serait pas grave de les tuer (pour la chair, les os, la tête, la ou les cornes, la peau, la fourrure, les plumes, etc.) en l'absence de nécessité de survie ? Faire en sorte qu'une mère ait un enfant, puis les séparer, ensuite tuer l'enfant, et enfin faire de même pour la mère après plusieurs réalisations de ce qui précède, tout ça pour obtenir du lait, est-ce bien moralement acceptable si c'est en l'absence de nécessité ? Emprisonner à vie des individus pour le spectacle ou la conservation de la biodiversité, est-ce moralement tolérable ? Et on pourrait tristement continuer à énumérer des exemples sans recourir à la forme industrielle, car nous ne pensons pas que le problème soit la forme, mais au contraire que c'est l'usage lui-même, bien que nous aillons là mobilisé uniquement des exemples qui ont un fort potentiel de consensuabilité (à contrario par exemple de la domestication et encore plus de la recherche scientifique médicale) et qui par ailleurs illustrent bien que la seule finalité contestable (même si nous pensons que le problème est le procédé dans son essence et non sa forme ou un ensemble particulier de finalités) n'est en aucun cas la viande ou la chair (qui ont une hyper-focalisation chez Michael Huemer). -
En page 76, en disant s'appuyer sur
"Comment fonctionne l'esprit" (2000 [1997])
par Steven Picker,
il énonce une théorie naturaliste de la guerre
(et pas au conditionnel ou à géométrie variable) :
Selon une théorie, les hommes des tribus primitives attaquaient la tribu voisine pour tuer les hommes, kidnapper et violer les femmes. Les hommes qui faisaient ce genre de choses ont finalement laissé derrière eux plus de descendants que les hommes pacifiques qui restaient chez eux. Ils ont transmis les gènes de ce comportement agressif. C'est ainsi que l'instinct guerrier a évolué.
Conclusion (ce n'est pas moi qui met de l'emphase) :si cette théorie est exacte, alors la guerre est naturelle.
Mais pourquoi nous sort t'il ça ? Il le fait pour démonter que ce qui est naturel ou présumé comme tel n'est pas pour autant moralement bien. Mais est-ce bien judicieux à cette fin de mobiliser cette théorie (qu'il reconnait lui-même comme incertaine) ? Mais après tout, ce n'est pas un problème si on la considère comme vraie. Et on peut constater que le conditionnel s'évapore sur la fin :Ils ont transmis les gènes
etC'est ainsi que l'instinct guerrier a évolué.
La version originale (= avant l'adaptation en livre) ne dit pas autre chose (page 71) :They passed on their genes for aggressive behavior. That's how the instinct for war evolved.
Mais qu'est-ce qui aurait brisé le cycle de cette explication socio-génétique (à fortiori pour son plan génétique, car les gènes ça ne disparait pas comme ça, surtout s'ils auraient été renforcés pendant des générations) ? Nous n'en saurions rien, ce n'était pour lui qu'unethéorie
, qui n'a pas le moins du monde de senteur politique et qu'on peut donc lâcher sans précaution. Pourtant, même en partant de l'hypothèse que ça aurait été l'agressivité qui aurait été favorable à la procréation, il n'est aucunement nécessaire d'en venir à la bien douteuse explication génétique. On peut en effet envisager que ce comportement (sans doute bien simplifiée, car perçu par des gens bien étrangers à la réalité bien différente) s'est exclusivement socialement transmis et donc que les gênes n'y sont pour rien. En plus de ne pas expliquer les manières par une explication naturaliste, ce qui est en général au mieux bien douteux (car il est un biais commun de naturaliser un mode comportemental, d'expliquer par une soi-disant essence), cette explication purement sociale (après avoir accepté la prémisse de l'agressivité et sans pour autant fantasmer de "bons sauvages") nous semble bien plus à même d'expliquer que l'agressivité telle que décrite n'a pas perduré, car le social a une plus grande mutabilité temporelle, et sans même avoir relevé jusque là qu'il est bien hasardeux de mettre toutes les tribus dites primitives dans le même sac. -
En page 80, le personnage C. évoque un restaurant chinois.
Celui-ci proposerait un plat à base de cadavre de volaille
qui serait gustativement très bon
et qu'il voudrait donc tenter.
Mais c'est refusé par le personnage V.,
à travers qui Michael Huemer donne son point de vue.
Ce qui lui pose c'est
la viande
. Le poisson que C. pourrait aussi manger, le lait que C. pourrait aussi consommer, l'oeuf ou les oeufs que C. pourrait aussi consommer, le miel que C. pourrait aussi consommer, cela ne semble pas lui poser problème. C'est caractéristique du pesco-végétarisme, mais pas du végétarisme éthique (pour reprendre là le titre anglais, qui n'est pour le moins pas fameux, car il y a un bien meilleur nom pour ça : le véganisme, et il ne prétend d'ailleurs même pas défendre la consommation de lait ou d'oeuf, même si son texte fait montre de son obnubilation pour la viande). -
Souviens-toi que nous sommes en train de torturer et tuer 74 milliards d'animaux terrestres par an.
C'est à la page 88 et ce n'est pas moi qui met l'emphase.- On peut remarquer qu'il sort de nouveau son chiffre. Mais devrait-on en avoir quelque chose à foutre ? Quel est le problème ? le nombre ou le principe ? Il laisse clairement là à supposer que c'est le nombre et non le principe. Pour le sexisme et le racisme, considère t'il que le problème c'est la quantité et non le principe ? Si c'est le principe, serait-ce alors bien pertinent de mettre en avant le nombre de viols, de contrôle au faciès, et de toute autre type d'acte quantifiable et quantifié de sexisme et/ou racisme ? Pourtant il l'avait sorti avant, le ressort là, et va faire du quantitativisme pendant encore les 9 pages suivantes.
- Les mots ont un sens. En employer un et pas un autre est donc porteur de sens. Pour lui, le problème est la torture, non l'exploitation. Le mot présent et celui absent disent quelque chose, indiquent son orientation. C. n'aime néanmoins pas. V. lui répond… en lui décrivant de la torture… digne, ô surprise, d'une ferme industrielle. Contrairement à lui, il nous semble donc inapproprié de l'employer, car nous pensons que le problème est plus profond, qu'il ne faut pas s'arrêter à la forme industrielle. Cela montre encore que son argumentation pour le végétarisme part du contexte contemporain. Elle est historiquement située, elle n'est pas atemporelle. Le végétarisme serait éthique maintenant, mais il n'est pour le moins pas sûr qu'il le sera encore demain, même si on en a la possibilité matérielle (on pourrait en effet arguer qu'on va peut-être la perdre à cause d'une décroissance forcée par la finitude des ressources et les dégâts de la pollution, mais cela pourrait peut-être nous contraindre uniquement à une moindre productivité si l'on s'en tient à une éthique anti-espèciste à une éthique basée sur la sentience [à fortiori si l'on pense que les bivalves et les insectes en sont dépourvus]).
-
En page 89, à travers V., il dit :
On peut très bien lutter contre [la guerre, la pauvreté et la maladie] en étant végétariens.
On le peut aussi en étant végans, qui concerne tous les aspects de la vie. Et alimentairement, le véganisme implique, dans la mesure du possible, le végétalisme et non le végétarisme. Pourquoi donc utiliser un mot qui renvoie généralement exclusivement à une pratique alimentaire insuffisante, alors qu'il existe un mot holiste et dont l'acceptation commune implique à juste titre d'aller bien plus loin sur son fétiche alimentariste ? On ne peut pas le défendre en prétendant qu'il ne connait pas le mot, car il le connait, il l'emploie quelques fois dans ce livre. Le véganisme irait t'il trop loin pour lui ? Ne comprend t'il pas, qu'il le veuille ou non, qu'employer un mot et pas un autre est porteur de sens ? -
À la fin de la page 89,
il justifie son intérêt pour
la cause animale
par cette déclaration navrante :Je pense que l'élevage intensif est le plus grave problème au monde
. Encore et encore son credo de la forme de l'exploitation et non l'exploitation elle-même. Pourtant on peut très bien juger que la forme industrielle est la pire, mais en dénonçant et combattant le problème plus général, l'espècisme, c'est-à-dire la discrimination en fonction de l'espèce (parfois dite spécisme par anglicisme). En effet, l'espècisme englobe la forme industrielle, mais elle ne s'y restreint pas. D'ailleurs, faisons remarquer qu'être contre la forme industrielle n'implique pas le véganisme, ni même le végétarisme, car il y a des formes d'exploitation non-industrielles, en théorie bien sûr, mais aussi en pratique au moment où il écrit ces lignes, fussent t'elles fort minoritaires. Sa position n'est pas d'être pour l'abolition de l'exploitation, mais de critiquer le mal être des exploité·e·s, ce qui est du bien-êtrisme (dit aussi welfarisme par anglicisme). -
En page 90, V. fait une longue tirade.
On a le droit à de la quantité,
à son fétiche de la viande,
à l'élevage intensif
et à la souffrance.
On estime à 108 milliards le nombre d'humains à avoir existé sur Terre. Donc en deux ans à peine, l'industrie de la viande abat plus d'animaux [non-humains] que le nombre total d'êtres humains dans l'histoire. La plupart endurent de grandes souffrances avant d'être massacrés. Il se peut que quelques années d'élevage intensif causent plus de souffrances que toutes les souffrances auxquelles a donné lieu l'histoire humaine.
- En quoi la quantité aide à convaincre de l'immoralité ? J'écrase le sol plein de fois par jour avec mes pieds, je réchauffe tout le temps autour de moi tant que je vis, etc. Est-ce pour autant immoral ? Devrais-je longtemps me questionner sur la moralité de ces faits que je perçois intuitivement comme naturels ? Si non, pourquoi les non-végétaristes devraient t'illes se questionner sur leur consommation de mort directe ? Pour nombre d'entre elleux, ça leur apparait comme naturel.
- L'industrie du cuir c'est ok si on ne mange pas ce qu'il reste ? Enfermer à vie des animaux non-humains (qu'on accuse même pas d'être coupables) pour le loisir d'humains et/ou la biodiversité, c'est moralement acceptable ?
- Ai-je le droit de battre un chien avec mon propre corps ? Ce n'est pas industriel ou intensif.
- Ai-je le droit de laisser mourir de faim un chien qui m'appartiendrait ? Je ne l'abattrais pas, je ne le massacrerais pas, il ne perdrait pas la vie de ma main, mais de son absence.
- En page 91 et 92, la focal est mise sur la souffrance. Le droit à la vie est absent, seule la souffrance compterait. Michael Huemer se fiche t'il donc de sa vie ? Si non, pourquoi cette focalisation sur la souffrance quand il s'agit d'autres espèces qu'il reconnait pourtant comme sentientes ?
-
Très anecdotiquement, à la page 94,
il sort un mauvais résultat
pour un calcul mathématiques :
0,001 × 250 = 11 258 999 068 442.
Le résultat correct est 1 125 899 906 842.
-
python -c 'print(int(0.001 * (2.0**50)))'
-
/* gcc -Wall -Wextra -Werror 2-power-50.c */ #include <stdio.h> #include <stdlib.h> int main(void) { long long unsigned int result = 2; { unsigned int an_index; for(an_index = 1; an_index < 50; ++an_index) { result *= 2; } } result /= 1000; printf("%llu\n", result); fflush(stdout); return EXIT_SUCCESS; }
-
Le résultat est 1 125 899 906 843. On peut constater une très légère perte de précision en utilisant un type flottant (/* gcc -Wall -Wextra -Werror 2-power-50.c */ #include <stdio.h> #include <stdlib.h> int main(void) { double result = 2; { unsigned int an_index; for(an_index = 1; an_index < 50; ++an_index) { result *= 2; } } result /= 1000; printf("%.0f\n", result); fflush(stdout); return EXIT_SUCCESS; }
double
), mais sans pour autant que ce soit son résultat. -
Le résultat est 1 125 899 960 320. Avec la précision moindre de/* gcc -Wall -Wextra -Werror 2-power-50.c */ #include <stdio.h> #include <stdlib.h> int main(void) { float result = 2; { unsigned int an_index; for(an_index = 1; an_index < 50; ++an_index) { result *= 2; } } result /= 1000; printf("%.0f\n", result); fflush(stdout); return EXIT_SUCCESS; }
float
par rapport àdouble
, on a une perte de précision bien supérieure. Mais on arrive toujours pas au chiffre de Michael Huemer. -
Au lieu de diviser par 1000,
on peut diviser par 100.
Cela permet d'avoir le même ordre de grandeur.
Mais on ne tombe pas pour autant sur le même nombre.
On peut aussi multiplier par un 0,001 comme lui
(en pensant bien au suffixe
f
dans le casfloat
). Mais encore une fois, ça ne change rien. Enfin, on pourrait envisager que ça vient de l'optimisation. Toutefois, en disant au compilateur (GCC) de ne pas en faire (avec l'option-O0
), on arrive encore au même résultat. Précisons que nous avons obtenu ces résultats avec Debian GNU/Linux 11 sur un processeur x86-64.
-
-
À la page 99 et sa suivante,
on a encore le droit à
la viande
et rien qu'elle. S'il était régulièrement évoqué la chair de poisson, le lait et les oeufs, en se restreignant là au domaine alimentaire et en excluant le miel qui est moins courant et produit par des insectes qui ne sont pour lui pas sentients, alors évoquer à gogola viande
serait moins un problème. Mais d'un point de vue ne serait-ce que végétalien, et en fait même d'un point de vue ovo-lacto-végétarien, est clairement problématique la place démesurée qu'occupe la viande dans son texte en comparaison d'autres aliments animaux (et sans même prendre en compte là ce qui n'est pas alimentaire, alors que ça ne fait aucun sens d'un point de vue éthique). Comment ne pas en ressortir pesco-végétariste ? Et encore, comme nous l'avons vu, il y a de quoi accepter l'élevage non-industriel, à contrario entre autres d'un autre petit livre similaire : "Petit traité de véganisme" (traduction de "Eat Like You Care") par Gary Francione et Anna Charlton aux éditions L'Âge d'Homme (chez qui vous pourrez trouver "Introduction aux droits des animaux" par le même Gary Francione qui nous semble éthico-animalistiquement hautement meilleur que Michael Huemer, si vous veniez à envisager d'aller plus loin sur le sujet). -
En page 101, C. parle d'
élevage intensif
. Ô surprise, V. n'élargit pas le spectre. Au moins on peut lui reconnaitre la constance : la forme de l'exploitation est le problème. Les anti-espècistes s'étranglent. L'exploitation paysanne et la mise à mort paysanne des animaux non-humains (ou zoonimaux) peuvent tranquillement continuer, même si c'est en l'absence de nécessité de survie pour l'humain. Pour Michael Huemer, le sujet n'est pas l'exploitation, mais une forme aiguë de mal-être. Celle-ci, n'en lui déplaise, ne conduit pas végétarisme et encore moins au véganisme, mais au zoowelfarisme. En fait, il écrit lui-même en creux qu'il se revendique dumouvement pour le bien-être animal
, pas pour l'abolition de la zooexploitation par l'humain (l'anthropo-zooexploitation). -
À la fin de la page 101 et au début de la 102,
V. affirme être contre le racisme, le sexisme,
la discrimination religieuse et la lgbtphobie,
et qu'il a fallu surmonter des préjugés.
En page 102, C. demande
Et le préjugé fondé sur l'espèce ?
V. répondC'est la prochaine étape.
Comme nous l'avons vu précédemment, on a de quoi penser qu'on n'est pas rendu avec Michael Huemer. On pourrait tenter d'arguer qu'il n'est pas non plus contre l'exploitation humaine, après tout il ne semble pas être contre le capitalisme (ce qu'on peut considérer comme étant une condition nécessaire, mais évidemment pas suffisante, car ça ne dit rien sur ce qu'on veut positivement à la place), ni même à priori avoir particulièrement d'âme pour la condition du prolétariat (qui représente pourtant beaucoup d'individus). Toutefois, il ne propose pas que des humains puissent être tués pour de la chair ou par manque de productivité, et il ne serait pas déconnant à priori de supposer qu'il serait contre la peine de mort pour les humains. Sa vraisemblable acceptation de l'exploitation capitaliste des êtres humains ne s'inscrit pas dans une approche plus large qui accepterait la mise à mort non-industrielle pour un ou des buts frivoles. De plus, il affirme qu'il ne tolère pas l'esclavage humain. Or, en ce qui concerne les animaux non-humains, le problème ce serait l'élevage intensif ou industriel, non l'élevage lui-même, non la chasse, non la domestication, non l'incarcération d'innocent·e·s, de conduire des expérimentations sur des sujets non-consentants, etc. Il fait donc bien une discrimination en fonction de l'espèce, sans même prendre là en compte ce qu'il pense des bivalves et des insectes (qu'il pense non-sentients et donc exploitables, alors qu'il serait moralement moins dangereux de s'appliquer le principe de précaution). -
En fin de page 108 et au début de la page 109,
via son personnage V., il dit :
L'heuristique d'affect nous conduira toujours à juger les intérêts humains comme étant plus importants que les intérêts des animaux [non-humains], que cela soit vrai ou non. Donc même si tu abordes, au départ, la question sans préjugés, tu ne peux te fier à tes réactions émotionnelles pour déterminer si les intérêts humains comptent davantage.
Il considère que la préférence aux intérêts humains à ceux zoonimaux est une nécessité affective primaire, que ce serait constitutif de l'humain, mais qu'elle pourrait être surpassée par un ou des préjugés.- On peut à l'inverse penser que penser ça est symptomatique d'un préjugé. En effet, même avec une éducation espèciste et dans une société espèciste, il ne nous parait pour le moins pas déconnant que, dans certaines situations, certes rares en proportion, l'intérêt d'un zoonimal soit préféré à celui d'un être humain. Par exemple, il est aisé de concevoir que certains zoonimaux de compagnie soient affectivement plus importants pour celleux qui en jouissent que certains êtres humains. On peut à ce propos relever le sous-titre de "Introduction to Animal Rights" par Gary Francione qui est "Your Child or the Dog?".
- En fait, avec Baruch Spinoza, on pourrait même aller plus loin. Peut-on penser sans affect, sans préjugé ? D'ailleurs, la recherche de la Vérité (et on peut au mieux que n'y tendre) n'est-elle pas une source d'affects joyeux ?
-
En page 109, C. dit
quand je pense à une vache dans une ferme industrielle, ça ne me semble pas si grave
et ce en comparaison (cette fois c'est V. que je cite) d'être privé du plaisir d'un hamburger
. V., qui incarne Michael Huemer, pense l'inverse. Il en conclut alors ce qui suit :Nous n'avons pas tous la même capacité d'empathie envers les autres espèces.
Le termecapacité
peut sous-entendre que ce serait inné, dans l'essence de l'individu. On peut à l'inverse arguer qu'il est bien plus probable que ce soit une construction du cours de la vie. On peut à ce propos renvoyer à l'ingenium chez Baruch Spinoza et ses continuateurs/continuatrices qui utilisent le concept (dont Frédéric Lordon). -
En page 113, C. se sent acculé par les raisonnements de V.
Mais à quoi ceux-ci devraient mener ?
La réponse limpide de V. :
que ce soit mal de manger de la viande.
Ce qui est mal n'est pas ce que des zoonimaux subissent, mais seulement un type de produit issu de leur exploitation. Il n'était pourtant pas plus long ou difficile d'exprimer autre chose qui soit général : il est mal de tuer ou faire tuer des animaux, il est mal d'exploiter ou faire exploiter des animaux, il est mal de faire souffrir des animaux, etc. Le problème est la consommation en elle-même ou ce qui est fait pour la satisfaire et dont le principe général va au-delà d'un type de produit particulier ? Qu'on le veuille ou non, la manière de poser le problème est significative dans le propos. Dans ce livre qui se veut introductif à la problématique, Michael Huemer contribue à construire la problématique d'une certaine manière. Il le fait en parlant beaucoup de la viande et d'un type particulier d'élevage, ce qui n'est pour le moins pas anecdotique dans la réponse à apporter. Sa manière dominante de présenter les choses n'est pas favorable au véganisme, ni même à l'ostro-véganisme, mais au mieux au pesco-végétarisme et plus probablement au pseudo-bien-êtriste (avec zoonimaux dans les près du sympathique petit paysan comme jolie devanture pour les client·e·s). -
En page 114, V. dit :
Tu sais que la question tourne autour d'une intuition morale quant à la gravité de la souffrance animale.
Mais est-ce que mourir en tant que tel représente une souffrance pour le ou la concerné·e ? Probablement pas pour lui ou elle, tandis que les autres zoonimaux pourraient ne pas savoir le triste sort et s'imaginer qu'il est juste parti. Or les animaux non-humains (ou zoonimaux) cherchent à persévérer dans leurs êtres, comme les humains (ou humanimaux, si l'on veut insister sur le fait que l'espèce humaine fait parti du règne animal et n'est donc pas une discontinuité). Cela manifeste qu'ils ont conscience, à un certain degré au moins, que ça les intéresse, et pour cause. Pourquoi donc ne pas inclure ça (le droit à la vie) ? Pourquoi ne se focaliser que sur la souffrance ? Et même si on admettait que la persévérance dans l'existence n'a aucun intérêt pour l'individu, comment en finir sans souffrance avec certitude ? -
À la fin du 3ème jour, en page 116,
voila ce que dit V. à C. :
Et si tu essayais d'être végétarien simplement jusqu'à la semaine prochaine, et on reparle à ce moment là ?
Pourquoi l'inciter au végétarisme et pas au véganisme ?- Engrosser une mère, la faire naitre, ensuite séparer enfant et mère, puis tuer rapido le gosse et recommencer plusieurs fois le cycle pour la mère, avant d'elle aussi la tuer quand elle est jugée insuffisamment productive, est-ce bien raisonnable moralement si ce n'est pas nécessaire à la survie ? Pourtant le végétarisme, en tout cas dans son acceptation commune, n'exclut pas les produits laitiers. Or c'est comme ça qu'il est produit, au moins très majoritairement, car le cas échéant ce serait bien moins rentable.
- Trier à la naissance en fonction du sexe et tuer la majorité des males (par écrasement, broyage, gazage, ou autre), est-ce moralement ok ? Pourtant la majorité des oeufs sont obtenus avec cette étape préalable.
- Maintenir en captivité des individus pour obtenir du liquide pour bébés ou des oeufs, qui ne sont pas nécessaires à la santé humaine, est-ce moralement acceptable ? L'ovo-lacto-végétarisme ne le proscrit pourtant pas, alors c'est la forme de végétarisme par défaut dans l'acceptation commune.
- Se vêtir en tenue style cosmonaute afin de voler la production d'autrui, qui a bien envie de faire mal à l'agresseur, est-ce là un exemple de moralité ? Pourtant dans l'acceptation commune du végétarisme, le miel n'est pas exclu. Et on sait bien que les abeilles ne se laissent pas faire.
- Est-ce qu'arracher la peau d'autrui en l'absence de nécessité de survie serait digne d'un chevalier de la moralité ? Pourtant le végétarisme n'exclut pas le cuir, la fourrure, les plumes, etc. Il en est de même pour le végétalisme.
- Est-ce qu'enfermer des individus pour le plaisir de les voir et sans qu'ils puissent nous attaquer ou au nom du concept abstrait de biodiversité est moralement justifiable ? Les parcs zoonimaliers (qu'ils soient dits "zoos", "delphinariums", ou désignés par encore une autre appellation), c'est pourtant ça et le végétarisme ne les proscrit pas. Et là-dessus, le végétalisme ne diffère pas.
- Faire se battre à mort un individu pour le spectacle d'autres, moral ou pas ? Non. Malgré cela, est-ce que le végétarisme, en tout cas dans son acceptation commune au moment où Michael Huemer écrit ses lignes et quelques années plus tard où j'écris celles-ci, comprend le bannissement de la corrida ? Non, ce n'est pas dans le champ de l'alimentation, même s'il est probable à priori que la vaste majorité des végétariens et végétariennes soit contre et s'abstienne d'y concourir, à fortiori pour celleux qui le font au moins pour partie par éthique vis-à-vis des animaux non-humains (ou zoonimaux).
- Exploiter autrui pour se faire transporter ou pour lui faire transporter des biens, est-ce en concordance avec la moral ? à fortiori dans une société qui dispose à foison de vélos, de bateaux, de trains, de tramways, de bus, de bagnoles, de motos, et même d'oiseaux de la mort (joliment nommés "avions" pour la respectabilité) ? On conviendra qu'au vue de la vitesse d'un cheval, et encore plus avec celle d'un âne, d'un chameau ou d'un dromadaire, il n'est aucunement besoin de prendre le moyen de transport le plus polluant et le plus dispendieux en ressources inertes pour faire sans exploiter un animal. Et même si ce n'était pas le cas ou qu'on était très écologiquement très sensible, est-ce que le transport est indispensable ? Pourtant, aucune pratique alimentaire, par son principe même, n'exclut l'exploitation pour le transport.
- Faire naitre un individu que l'on sait d'avance qui nous sera dépendant durant toute sa vie, ou laisser cet événement arriver, et ce en vue de nous apporter de l'affection, peut-on trouver ça moral ? Bien sûr s'en occuper une fois qu'il est née est d'une impérieuse nécessité, puisqu'il ne peut persévérer dans l'être autrement. Mais nous ne parlions pas de ça, mais de faire naitre, laisser l'événement se produire, ou le subventionner. Ni le végétarisme ni le végétalisme ne s'opposent à l'engendrement de nouveaux êtres dépendants qui ont été historiquement engendrés comme tels. Pourtant, ceux-ci étant dépendants et pas juste dans une ou plusieurs phases de la vie (typiquement jeunesse et éventuellement vieillesse), nous avons un pouvoir sur eux, donc une capacité d'abus sur eux, et elle n'a par nature pas de potentiel symétrique comme ça l'est entre êtres humains (qui sont individuellement dépendants, mais ils le sont socialement et sans inégalité à la fois majeure par essence et connue avec certitude par avance à part dans de très rares cas).
- Est-ce moral de posséder un individu en l'absence de nécessité de survie ? Par essence, aucune pratique alimentaire n'est possiblement contre quelque chose au-delà de son champ.
Le véganisme est une façon de vivre qui cherche à exclure, autant que faire se peut, toute forme d'exploitation et de cruauté envers les animaux, que ce soit pour se nourrir, s'habiller, ou pour tout autre but.
Mais même en se foutant des animaux non-humains, en adoptant d'un point de vue écologique anthropo-centré (comme l'a exemple fait Frédéric Lordon dans "There is no alternative", où il privilégieanthropocide
àécocide
), il faut, dans notre société, collectivement (et donc aussi individuellement) réduire drastiquement (ou renoncer) la consommation de zoolait, d'oeuf, de cuir, de plume, de fourrure, etc. -
À la toute fin du 3ème jour, en page 116,
C. dit avec soupir et un
Allez !
qu'il accepte d'essayer d'être végétarien pendant une semaine. V. a de quoi être content avec ça. Mais C. ajoute :J'espère que tu apprécies l'immense sacrifice que je fais pour toi.
V. ne lui répondra pas, la 3ème journée est finie. Il aurait pourtant pu, voire dû, répondre quelque chose du styleMais non, c'est pour les animaux non-humains.
-
Après avoir demandé à C. d'adopter le végétarisme
à la fin de la 3ème journée (page 116),
V. ne se reprend pas en faveur du véganisme
au début de la 4ème journée.
À la page 117, il lui demande
s'il a
essayé la vie végétarienne ?
À la page 118, il parle derestaurants végétariens
, puis demanger […] en devenant végétarien
. Mais à sa réplique suivante, il parle derepas végans
! Pourquoi ce changement de mot ? Pourquoi potentiellement rendre confus la personne lectrice ? Le végétarisme et le véganisme, ce n'est pas la même chose, ce ne sont pas des synonymes, on ne peut donc pas les interchanger à sa guise sans risquer de provoquer un non-souhaitable mélange chez la ou les personnes à qui on s'adresse. D'ailleurs, C. réagit, à raison. Alors qu'il l'a bassiné avec la viande, voila que maintenant il lui sort qu'il faudrait qu'il ne consomme aussi ni lait ni oeuf. V. dira que oui, mais n'étendra pas les implications du véganisme, alors qu'elles vont au-delà de l'alimentation (corrida, zoos, delphinariums, cuir, fourrure, plume, laine, soie, cachemire, angora, cire d'abeille, etc.), puisque le véganisme s'applique à tous les aspects de la vie (alimentation, habillement, cosmétique, loisir, transport, santé, recherche scientifique, etc.). -
En page 118, dans l'édition française, V. dit :
tu peux manger à moindre frais en devenant végétarien, car les légumes sont moins chers que la viande
. Cela sous-entend qu'il suffit de remplacer la viande par les légumes. C'est alimentairement faux et même dangereux. C'est tristement une mauvaise traduction. En effet, dans le texte original, avant son adaptation en livre, on peut lire (à la page 105)vegetables are cheaper than meat
. Là c'est correct, ça n'induit pas nutritionnellement en erreur. Les légumes ne sont qu'une partie des végétaux comestibles par l'humain. Si l'on veut faire un remplacement simple, il faut remplacer la viande non par les légumes mais par les légumineuses (soja, lentilles, haricots secs, pois chiches, pois cassés, etc.). Par ailleurs, même dans le cas du végétarisme, on peut regretter qu'il n'aborde pas la vitamine B12. Mais puisqu'après il parle de véganisme, en le réduisant certes au végétalisme et peut-être bien en faisant une exception pour le miel, c'est en fait bien plus problématique, car c'est peu connu au-delà des cercles végétariens et qu'il est indispensable de se complémenter si l'on pratique le végétalisme et que c'est recommandé pour l'ovo-lacto-végétarisme. Mais ces choses ne sont pas nouvelles, elles s'étaient déjà produites en page 71. - La page 118 de l'édition française est l'occasion de reparler de véganisme, du moins sur le principe, puisque dans les faits il est plutôt question de végétalisme. Son yo-yo entre végétarisme et véganisme est problématique, puisque ça ne désigne pas la même chose, même après réduction abusive à l'alimentation. La confusion est donc entretenue, même si là l'antagoniste note bien la différence, puisque végétarisme et véganisme sont mis sur le même plan. Or s'il n'est pas éthique de consommer des oeufs et des produits laitiers, si on évacue très arbitrairement le non-alimentaire, le végétarisme devrait être condamnée. S'il était question d'histoire, il y aurait de quoi être plus clément, mais le dialogue de Michael Huemer ne s'encombre pas de ça, donc la mise en avant éthique du végétarisme est une faute.
-
Revenons maintenant sous un autre angle
sur l'appui au véganisme alimentaire de la page 118.
Michael Huemer y réitère en effet
que l'exploitation et la mise à mort
ne sont pour lui pas le problème.
Il ne l'exprime pas là directement, mais en creux.
En effet, le problème serait
[les] fermes industrielles
, ou dit autrementl'élevage intensif
. Le bien-êtrisme / welfarisme, encore et toujours. -
La page 118 recèle encore autre chose,
qui continue sur la page suivante.
Quand V. dit à C. qu'il devrait être végan
(sans lui parler du cuir, de la fourrure,
de la chasse et de la pêche hors nécessité vitale,
des zoos, des delphinariums, de l'équitation, etc.),
C. s'exclame
Mais j'adore le fromage !
Même d'un point de vue bien-êtriste / welfariste, il est tout à fait valable de renvoyer l'interlocuteur à la supériorité dans ce cas de l'intérêt des mères et leurs petit·e·s à ne pas être exploité·e·s et tué·e·s, du moins à minima hors petit élevage paysan (si on est juste contre la forme industrielle-intensive comme c'est le cas pour Michael Huemer), par rapport à la commodité et au plaisir réunis des humains pouvant vouloir consommer un ou des produits laitiers comme le fromage. Cet argument devrait simplement suffire. Le plaisir du fromage est inférieur à la souffrance qu'il implique. Point. Final. Mais non, pas pour Michael Huemer. À travers son personnage V., il indique qu'il y a dufromage végan
. Le fait de mentionner ça dans un dialogue qui se voudrait éthiquement sérieux laisse à sous-entendre que le plaisir qui peut lié à la consommation de fromage devrait être pris en compte, que l'intérêt humain pour le fromage devrait être tenté d'être satisfait. Ce raisonnement est profondément espèciste. Sans doute qu'il y en aurait pour s'écrier que c'est là faire preuve d'un manque flagrant de pragmatisme. Il nous semble alors que le mieux pour saisir le problème est d'en passer par l'analogie, appliquer le même raisonnement à une autre discrimination. Pour commencer, formalisons le raisonnement : l'intérêt des potentielles personnes dominantes devrait être tenté d'être satisfait dans le cadre d'une discussion sérieuse sur les intérêts d'un groupe de personnes dominées. Transposons maintenant ça dans le cadre du patriarcat, ou plutôt à un cas spécifique en son sein. Il y a des hommes et ils peuvent tirer du plaisir sexuel en abusant des femmes. Il pourrait leur être dit que l'intérêt des femmes à ne pas être violées est supérieur à leur plaisir sexuel, et puis c'est tout. Mais ne serait-ce pas absurdement contre le pragmatisme le plus élémentaire ? Les hommes sont en position d'abuser des femmes et ils ont leur plaisir sexuel, il convient donc de tenter de le satisfaire. Ne faudrait t'il donc pas les orienter vers des jouets sexuels ? et pourquoi pas, tant qu'à faire, en proposer sur un stand ? Si une organisation à prétention féministe faisait ça, elle serait vraisemblablement jugée sexiste. Par fureur d'une telle insulte au féminisme, son stand serait peut-être même détruit. Si une organisation commerciale le faisait dans le cadre d'un salon féministe, cela ferait aussi vraisemblablement scandale. Du point de vue logique, pourquoi ne devrait t'il pas en être de même quand le goût pour le fromage ou la merguez amène à proposer de l'ersatz végétal quand c'est fait par un individu ou une organisation se revendiquant de la lutte pour les opprimé·e·s zoonimaux et non pour leurs potentiel·le·s agresseur·euse·s humains ? -
En page 119, l'antagoniste se demande
où il pourrait trouver des protéines
dans le cadre d'une alimentation végane.
V., la voix de Michael Huemer, lui répond
Haricots, noix, beurre d'arachide
, et c'est tout ! C'est pour le moins léger. Ça n'aurait pas coûté beaucoup de caractères de mentionner d'autres légumineuses que les haricots secs, tels que les lentilles, les pois chiches, et le soja, ainsi que d'autres oléagineux. Mais on peut là au moins arguer que c'est un livre portant sur l'éthique et qu'il est donc compréhensible que l'aspect nutritionnel soit fait abordé bien trop vite. On pourrait tout de même rétorquer qu'il s'agit d'un texte ayant vocation à convertir les gens et qu'il peut en ce sens y avoir une responsabilité à ce que la transition se passe bien. -
La page 119 de l'édition française
porte pour partie sur la question des protéines.
Après une phrase très sommaire sur les sources végétales,
Michael Huemer se concentre sur… les bivalves !
Il en offre 3 exemples
(
les palourdes, les moules, les pétoncles
), soit autant que les sources végétales. Commençons tout de même par faire remarquer la consommation courante de bivalves est peu courante, hormis certes pour les personnes habitant près d'une mer ou d'un océan. Sur le plan strictement alimentaire, c'est donc une préconisation pour le moins bizarre au regard de la moindre importance accordée aux sources végétales qui sont bien plus communes. Mais si Michael Huemer met en avant les bivalves, ce n'est pas en réalité pour le point de vue alimentaire, c'est pour défendre sa vision sur un tout autre plan. C. fait donc plutôt remarquer à V. que les bivalves sont des animaux, ce qui semble donc contradictoire avec son propos végétaliste. C'est à la page 120 que V. s'explique. Selon lui, les bivalves ne ressentiraient pas la douleur. En conséquence, elles n'auraient pas d'intérêt, donc il serait acceptable de les consommer. Toutefois, il n'est pas certain que ce soit le cas, donc la prudence pourrait plutôt être prônée. Et puisque la consommation courante de bivalves concerne une minorité, en tout cas en Occident, il parait d'autant plus préférable de privilégier la prudence. En fait, dans un livre d'introduction qui se veut être à destination du plus grand nombre, ce sujet incertain et peu significatif pour la vaste majorité des humains susceptibles de le lire, on pourrait considérer que ça n'aurait à n'être même pas abordée. Michael Huemer semble là dans une stratégie de différenciation vis-à-vis du milieu végétarien/végan au détriment de la vocation première de l'ouvrage. Mais il est vrai qu'il est en réalité enfermé dans une approche très universitaire et compliquée, ce qui fait que la tentative de convaincre est bien moins forte qu'elle ne pourrait l'être, à contrario de son concurrent pourtant plus ancien et co-écrit par un théoricien connu dans ce champ qu'est, dans sa langue originelle, "Eat Like You Care" publié en 2013 et traduit 2 ans plus tard en français (tandis que la version de base du texte de Huemer date elle de 2018, adaptée l'année d'après en livre, puis lui aussi traduit en français après 2 ans). -
En page 122, à travers son personnage V.,
il relativise l'importance
du mot choisi pour désigner la pratique.
Il est certes vrai
que le plus important est de loin
ce qui est fait
et non la terminologie appliquée à la pratique.
Mais ce n'est pas pour autant dérisoire.
Au sein du végétarisme,
le zoolait et les oeufs sont tolérés
et ça ne va pas forcément au-delà de l'alimentation.
À contrario avec le véganisme
(et son
ostrovéganisme
), où le lait et les oeufs sont proscrits et qui s'étend à tous les aspects de la vie, du moins dans la mesure du possible. Légitimer les termes "végétarisme", "végétarien" et "végétarienne", n'est donc pas nulle de conséquence. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que le véganisme et la Vegan Society sont issus d'une scission avec le végétarisme. - À la fin de la page 122, il exprime cette fois qu'il lui semble peu probable que les insectes ressentent la douleur, ce qui est plus précautioneux que ce qu'il a pu précédemment exprimé. Et, dans sa justification pour la consommation d'inectes, il enchaine en disant que nous ne ferions pas de l'élevage intensif d'insectes comme nous le faisons pour d'autres animaux non-humains. Or c'est faux et ça l'était déjà à l'époque du texte d'origine (2018). En effet, au moins en France, existe depuis 2013 une entreprise à visée lucrative qui est dans ce filon et elle se nomme Ynsect. Comme il l'énonce là avec prudence, la sentience des insectes est sujette à débat, ce qui devrait nous amener à la prudence et donc à leur accorder le bénéfice du doute et non à les considérer comme non-sentients comme Michael Huemer le fait, mais il faut d'emblée rajouter que beaucoup d'insectes sont nécessaires pour fournir autant de nourriture que des animaux non-humains couramment exploités pour ça (volailles, cochons, bovins, poissons, poulpes, etc.) et cela mitige donc le manque de connaissance à leur sujet. Par conséquent, y compris dans son approche (que nous rejetons) de pondération entre la probabilité à priori de la sentience et l'importance morale d'éviter de causer de la douleur s'il y a sentience et que c'est possible de faire autrement, cela devrait conduire à refuser l'élevage et la consommation d'insectes. Qu'il soit très compliqué d'éviter de tuer des insectes par inadvertance est un autre sujet, mais Michael Huemer traite d'un même bloc le fait d'exploiter et tuer volontairement des insectes et le fait de les tuer sans le vouloir.
-
À la fin de la page 123
et au tout début de la page 124,
voila ce qu'il dit à travers V. :
Commençons par arrêter de consommer de la viande issue de l'élevage intensif
. En plus de sa très habituelle focalisation explicite sur seulement l'élevage intensif/industrielle, il ne met là l'accent que sur la viande et d'une façon cette fois tout à fait explicite. Pourquoi ne pas parler du poisson ? Pourquoi ne pas parler du zoolait et oeufs ? Et pourquoi se borner à l'alimentation ? Certes, c'est à travers l'alimentation que se fait la majorité de l'exploitation et de la mise à mort des zoonimaux, mais ça ne se limite pas pour autant à ça et il y a d'autres aspects de la vie où il n'est pas incroyablement compliqué d'agir par le boycott (cuir, fourrure, cosmétique, cirque, zoo, delphinarium, corrida, etc.). À ce propos, on pourrait d'ailleurs envisager que Michael Huemer n'est pas contre le corrida (et à fortiori les cirques exploitant un ou des zoonimaux, les zoos et delphinariums), puisque la mise à mort n'est ni faite d'une manière intensive ni faite d'une manière industrielle. -
En page 124, son personnage V. ré-itère
qu'il est inacceptable d'acheter de la viande
sans parler ne serait-ce que des autres aliments animaux.
Mais après une phrase de C.,
le voila qu'il se dit
végan depuis trois ans
. Il ne cesse d'amalgamer végétarisme et véganisme, ce qui est très problématique, puisque ce sont 2 concepts très différents, en tout cas au moment où il écrit ses lignes (certes, historiquement il n'y avait que le végétarisme, mais ça a été dépassé depuis des décennies). -
Après une nouvelle justification
pour se foutre des insectes
ou plutôt un renvoi du questionnement au futur,
voila que la question du non-intensif / non-industriel
est explicitement mis sur la table.
Ça démarre à la page 127 dans l'édition française.
Et il sous-entend clairement
que ça lui va très bien
de faire exploiter et tuer
en l'absence de nécessité
des animaux non-humains
si c'est fait d'une manière
non-intensive et non-industrielle.
En tout cas, ça lui va sur le principe.
Mais il est méfiant sur les discours
à propos des produits zoonimaux
qui seraient obtenus comme il le préconise.
En ce sens, il cite le label
Certified Humane
en mettant lui-même des guillemets. De plus, et surtout, à la questionce serait moral d'en acheter ?
, il répondça pourrait l'être
en mettant l'emphase surpourrait
. Il y va assurément avec précaution, mais il y va nettement, ça ne le gène pas sur le principe, il y a juste pas assez pour être certain que c'est fait dans les conditions souhaitées. À la fin de la page 127 et à la plage 128, il se laisse tout de même une porte de sortie (en citant notamment les droits des animaux et Tom Regan qui aura à nouveau le droit à sa grâce à la page 178 où il l'utilise à nouveau contre l'idée bien-êtriste), puisqu'après tout çapourrait
être aussi inacceptable d'exploiter et tuer des êtres sentients même quand c'est fait d'une manière qui ne soit ni intensive ni industrielle. Ironiquement, sa raison pour ne pas en consommer est qu'il n'est pas sûr (parce que je ne suis pas sûr que ce soit moral, et je pense que tant que je ne suis pas sûr, je devrais m'abstenir d'en acheter
), précaution qu'il ne prend pas avec les insectes. -
Le pages 129 et 130 portent sur
le fondement du droit à la vie en général
. Conclusion : c'est trop compliqué, donc nous n'aurions pas de devoir moral vis-à-vis de ça et le principe de précaution ira donc bien se faire voir. Précisons que c'est nous ajoutons une ultime conclusion sur le principe de précaution, qu'il n'invoque là pas et pour cause ! -
À la page 131, il exprime
2
croyances morales [qui seraient selon lui] intuitives et très largement partagées
. Nous nous pencherons que sur la première :il est grave d'infliger beaucoup de souffrances sans raison valable
. Selon lui et son intuition sur la majorité des gens, il ne serait donc pas grave d'infliger un peu de souffrance sans raison valable, ça ne deviendrait grave que quand ça passerait le stade du beaucoup. Si vous jugez négativement son avis moral sur la question zoonimale ou sur tout autre chose d'ailleurs, n'hésitez donc pas à lui foutre une baffe, ça ne lui infligera que très modérement de la souffrance, ce qui en fera donc pour lui un acte moralement acceptable. Si on était joueur, mais là on ne peut vous encourager à le faire et ce même sur le mode de la semi-blague, il pourrait même être envisagé de lui couper un doigt (mais ni le pouce ni le gros orteille), ce qui lui engenderait assurément de la souffrance, mais il pourrait paraitre douteux que ça lui en engendre beaucoup, ce qu'un seul doigt après tout. Que vous dit votre intuition ? -
Son intuition étant changeante,
comme celle de la majorité de la population du coup,
le voila qu'il en change à la page 132…
par rapport à la page 131 !
Page 131 :
il est grave d'infliger beaucoup de souffrances sans raison valable
, ce qui seraittrès largement partagé
. Page 132 :il ne faut pas infliger de souffrances inutiles
, ce qui fait parti, et là on est d'accord sur le principe,[des] valeurs profondes de notre société
. Le critère du beaucoup a mystérieusement disparu ! Dans l'absolu, on ne peut que saluer ce revirement soudain. Mais sa théorie bien-êtriste en prend un coup : comment maintenant justifier qu'il puisse sur le principe être acceptable d'exploiter et tuer sciemment des animaux non-humains en l'absence de nécessité ? -
À la page 134, via son personnage V.,
il ose parler de
végétarisme éthique
. Juste après il parle de viande, mais de poisson, pas de lait, pas d'oeuf, pas de cuir, pas de fourrure, pas de zoo, pas de delphinarium, etc. Logiquement dans la réplique de C., il est question dedevenir végétarien
, pas végétalien ou, mieux, végan. -
Au début de la page 135,
à travers V. qui est lui-même,
il réitère que ce qui serait pertient
pour juger moralement inacceptable
ne serait pas la douleur ou la souffrance en soi,
et encore moins la vie,
mais qu'il y en ait beaucoup et pour pas grand chose
(
quelque chose qui cause une douleur et des souffrances énormes pour pouvoir en retirer un petit bénéfice
;savoir si nous causons de grandes souffrances pour de petits bénéfices
). Ça continue ensuite avec le fétiche de la focalisation sur la viande. Violer une femelle, puis arracher le petit de sa mère, et à la fin les tuer tous les 2 qui ont été en captivité de la naissance à la mort, n'est-ce pas beaucoup pour boire du liquide pour bébé ? Et ce n'est là qu'un exemple particulièrement criant parmi malheureusement bien d'autres, ce qui rend tout à fait absurde, même avec son argumentaire du beaucoup de dommages pour peu de bénéfices, de quasiment totalement éclipser tous les autres produits et services que l'on peut obtenir des animaux non-humains contre leur gré. -
À la page 136 de l'édition française,
alors qu'il ne parle que de viande depuis quelques pages
et qu'il a parlé positivement de végétarisme il y a peu,
le voila qu'il se dit
végan
. La claireté de son propos sur ce qu'il serait éthique vis-à-vis des animaux non-humains et ce même exclusivement sur le plan alimentaire est décidément aussi limpide qu'une flaque de mazout. - Aux pages 137 et 138, il développe un propos à partir d'un exemple. Évidemment, celui-ci est carné, il s'agit d'un steak dont il est clairement sous-entendu qu'il est animal. Pour changer, ça aurait pu être un produit alimentaire à base de lait et/ou d'oeuf, ou au moins de poisson, mais non, pesco-végétarisme oblige. En effet, au vue de ce qu'il met en avant au-delà des abstractions philosophiques, il n'y a nettement qu'une condamnation de la chair d'animaux terrestres et non-insectes, malgré son credo officiel de pro-végétarisme et parfois l'évocation positive du véganisme.
-
À la page 142, C. qualifie V. de végan.
Après 2 petits échanges,
V. ne parle pas de l'industrie
de l'exploitation et de la mise à mort
des animaux non-humains,
fut-ce seulement sa sous-partie industrielle,
mais plutôt de
l'industrie de la viande
. On a donc encore là du pesco-végétarisme et du confusionnisme, ce qui en fait décidémment un très mauvais livre d'introduction à l'éthique vis-à-vis des animaux non-humains. -
Michael Huemer s'enfonce de nouveau à la page 143.
Il y parle de
les végans
et justifie son propos sur elleux à travers une note de bas de page. Là où le bat blasse, c'est qu'il y est question de manger les animaux (à travers un article de Loren Lomasky) et derégime végétarien
, alors que le véganisme a été historiquement fondé contre le végétarisme ou plus exactement par scission avec lui et pour cause puisqu'il exclut tout produit animal dans l'alimentation (donc pas juste la chair et potentiellement aussi autres aliments provenant de la mort directe) et dans le reste de la vie (habillement, loisir, transport, etc.), du moins dans la mesure du possible. La page suivante, la 144, n'est tristement pas mieux. - Devinez autour de quoi porte les pages 146, 147 et 148 ? Après un suspens insoutenable, voila l'extra-ordinaire réponse : la viande. Encore, toujours, pesco-végétarisme chevillé au corps.
-
Vous doutiez que Michael Huemer
n'en a rien à faire du meurtre
des êtres sentients non-humains ?
Arrêtez donc de douter, il l'assume.
À la fin de la page 148, C. dit
Je croyais que ta démonstration tournait autour de l'idée de souffrance, pas du fait de tuer.
Au début de la page suivante, V. ne fait pas dans l'ambiguïté :C'est exact, je n'utilise le nombre d'animaux [non-humains] tués que pour avoir une idée du nombre d'animaux [non-humains] soumis à des souffrances extrêmes.
- En page 150, la dernière du dialogue, il qualifie ce qu'on fait sciemment aux animaux non-humains de génocide avec comparaison avec la Shoah, ce que certains salueront (nous en faisons partie, malgré des différences, dont une partie est favorable à faire juger que le génocide zoonimal est plus grave et non l'inverse) et qui en choquera d'autres (dont une partie part du postulat de l'unicité de la Shoah sans être prêt à éventuellement le remettre en cause, ce qui va alors plus à l'encontre d'un puissant affect que d'un raisonnement froidement logique). Cette sorte de conclusion pose 2 problèmes avec sa propre théorie. Les victimes directes de la Shoah en ont-elles beaucoup souffert ? Sachant que le fait de se faire oter la vie ne compte pas dans le cadre de sa comparaison, il pourrait être tenté d'être argué qu'elles en ont certes souffert mais pas forcément beaucoup. De plus, un génocide n'exprime pas la souffrance des tué·e·s en masse, mais le fait que beaucoup ait été tués, ce qui ne colle pas avec le fait que seule la souffrance compterait et donc que se faire oter la vie ne relève moralement d'aucune importance vis-à-vis des animaux non-humains qui sont 1 des 2 termes de la comparaison.
-
La page 151 est l'occasion de faire des remerciements.
Dans l'énumération, on y trouve
mes amis Facebook
. Alors que le livre se veut porter sur l'éthique, voila qu'il avoue utiliser (et se faire utiliser) et promeut de fait Facebook, une entreprise de saccage en bande organisée de la vie privée et du contrôle sur son ordinatique, qui au surplus a principalement pour clients des entités qui veulent pousser à la surconsommation et qui par ce fait contribuent à la destruction de l'état de la planète qui était favorable à l'humanité et à bien d'autres espèces. L'éthique ne devrait pas être un mot creux. Mais comme on l'a vue avec les animaux non-humains, qu'il est prêt à faire exploiter et tuer d'une manière non-industrielle et non-intensive en l'absence de nécessité, Michael Huemer fait là de nouveau montre avec ce Big Brother capitaliste que l'éthique est pour lui plus un mot qu'une pratique et un rude combat pour son universalisation. -
À la page 153, voila que débute sa bibliographique annotée.
Dans la fin de sa très courte introduction à celle-ci,
il la commente en affirmant qu'elle comprendrait
les publications les plus importantes sur l'éthique du végétarisme et du véganisme
. Sa mise sur le même plan de 2 concepts non-équivalents, et dont le second a été forgé par scission avec le premier, est là absolument nette, projetant une lumière crue sur son confusionnisme éthique. Malgré que sa bibliographique s'étende de la page 153 à 180 et comprendrait prétendumentles publications les plus importantes
, on y a pas vue trace de Gary Francione, probablement parce qu'il ferait de la sur-éthique… - Faut-il manger les animaux ? de Jonathan Safran Foer est cité à la page 157. Ça lui fait un appui pour énoncer que le problème ne serait pas l'élevage, mais seulement l'élevage intensif. Et tant qu'à faire, au diable le poisson, le lait, les oeufs, le cuir, la fourrure, la laine, les plumes, etc., seule la viande est mentionnée.
-
À la page 161, dans le cadre sa bibliographie annotée,
Michael Huemer y cite son maitre,
Peter Singer,
et ce à travers son oeuvre animaliste majeure,
La libération animale.
Huemer commence par dire
que
Singer défend le principe fondamental de l'égalité, qui implique que nous devons accorder une égale considération aux intérêts de tous les êtres sensibles
. Mais à la phrase d'après, qui est aussi la dernière, voila qui réduit cette affirmation àl'élevage intensif
puisl'élevage industriel
. L'élevage et la mise à mort d'humains seraient-ils tolérables quand c'est fait d'une manière ni intensive ni industriel ? Si non, pourquoi invoquer un grand principe puis se hâter d'en prôner une pratique appauvrie ? -
À la page 165, il mobilise un texte
(Nathan Nobis,
Vegetarianism and Virtue: Does Consequentialism Demand Too Little?
) qui ferait la distinction entre acte individuelle et conséquence sociale. Mais nous vivons en société, séparer l'acte individuel de la société dans laquelle il a lieu n'a pas grand sens. -
À la page 173, il évoque un écrit
de Cheryl Abbate :
Veganism, (Almost) Harm-Free Animal Flesh, and Nonmaleficence: Navigating Dietary Ethics in an Unjust World
. Cette mobilisation lui sert pour sa défense de l'ostro-véganisme. Dans son élan, il énonce la thèse, qu'il reprendrait, selon laquelle les personnes végétaliennes qui refuseraient de consommer des bivalves seraientcoupables
de règnisme (ou en anglais de kingdomism) ! On ne voit pourtant pas le dommage qui serait causé par cette application du principe de précaution. Les bivalves auraient-ils pour finalité d'être consommés par des humains ? Évidemment il ne fait qu'évoquer la thèse, ou ce qui serait la thèse, et ne va pas jusqu'à s'aventurer à tenter d'y apporter une justification. -
À la page 174, à travers le texte
Dignitarian Hunting: A Rights-based Defense
de Dan Demetriou et Bob Fischer, le voila qu'il envisage une chassedigne
. Puisque l'agriculture industrielle cause de graves dommages aux animaux non-humains, la chasse pourrait être éthiquement préférable. Mais pourquoi ne pas plutôt prôner une agriculture non-industrielle ? -
En page 174 et 175, s'appuyant sur l'écrit
Bugging the Strict Vegan
de Bob Fisher, il énonce qu'il serait peut-être préférable des manger des animaux peut-être sentients, comme les insectes, au lieu de plantes, car l'obtention de plantes peut tuer des animaux assurément sensibles, comme les mulots. Mais les animaux non-humains peut-être sensibles ne sont pas des plantes, ils mangent. Or récupérer des insectes est fastidieux dans un environnement non-contrôlé, donc ils sont mis en captivité, ce qui nécessite d'apporter de la nourriture pour qu'ils survivent et croisent, mais on obtient pas de ça de nulle part. De plus, ça revient à faire exploiter et tuer beaucoup plus d'animaux non-humains que ceux épargnés, donc il n'est pas du tout sûr que ce soit préférable en pondérant l'accroissement du nombre au peut-être et ce en considérant là que la nourriture des peut-être sentients serait nécessairement sans problème. Mais Michael Huemer ne s'embête pas à relever ces problèmes à ce quoi il fait de la publicité, l'étalage de ses lectures et se donner une caution pour son approbation à la consommation d'insectes sont plus importants que faire preuve d'esprit critique vis-à-vis des limites possibles de ce qu'il énonce. À contrario, à la page 175 et 176, en évoquantInsects Have the Capacity for Subjective Experience
par Colin Klein et Andrew B. Barron, il se montre plus précautionneux avec unserait
. D'ailleurs, il ré-enfoncera le clou pour la consommation d'insectes, mais cette fois avec encore moins de justification en page 174 et 175 en s'appuyant surWhy it Is Morally Good to Eat (Certain Kinds of) Meat: The Case for Entomophagy
par Chris Meyers. - On peut noter qu'il cite, et contre sa propre thèse, Tom Regan. En effet, à la page 178, il le mobilise pour faire droit à la théorie selon laquelle avoir un usage instrumental des animaux non-humains, en les considérant de fait comme des ressources, serait immoral, fut-ce fait d'une manière prétendument bien-êtriste. C'est là une occurrence remarquable, mais qui n'est pas tout à fait seule.
-
À la page 179, il mentionne,
et décrit mais au conditionnel s'il vous plait,
Beyond Happy Meat: The (Im)Possibilities of Humane, Local, and Compassionate Meat
par Vasile Stanescu. Il se montre toutefois plus tranché avec sa dernière référence (Corey WrennNohuman Animal Rights, Alternative Food Systems, and the Non-Profit Industrial Complex
), dont sa description sent le francionisme.